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regard embrassant l’espace est à peine arrêté par un groupe de végétation. Le voyageur qui part de Tananarive, s’acheminant vers l’ouest, après avoir franchi la limite du pays des Ovas, marchera pendant une semaine au milieu du désert avant d’atteindre quelques villages voisins de la contrée qu’habitent les Sakalaves. Vers le centre de l’île, plusieurs montagnes atteignent des proportions considérables, — de 2,500 à 3,500 mètres d’après la première évaluation des explorateurs anglais. Les plus remarquables sont dans la province d’Imerina l’Angavo, où prend sa source la rivière qui arrose les environs de Tananarive, aux confins sud-ouest du pays des Ovas le massif d’Ankaratra, — un amas de montagnes, dit M. Cameron, qui domine toute la contrée. En général, les sommets sont des blocs de basalte durs à l’intérieur, désagrégés à la surface et rendus terreux par l’action des agens atmosphériques. Lorsque, suivant une chaîne qui court au nord-ouest, on atteint un lieu du nom de Kiotrakiotra, on est frappé du changement dans la nature des roches ; ce sont alors des masses de granit et de petits fragmens de quartz. D’énormes roches semblent se détacher du terrain ; l’une d’elles, projetée horizontalement, forme une caverne spacieuse, où les voyageurs trouvent un abri. Au voisinage, les yeux demeurent ravis en présence d’un spectacle à la fois grandiose et infiniment pittoresque. C’est une étroite vallée, profonde de 150 mètres, que traverse un cours d’eau : ici, la rivière se montre découverte ; plus loin, elle est perdue sous les verts arbrisseaux qui garnissent les bords ; des oiseaux de divers genres animent ce tranquille séjour. A côté, entre des roches gigantesques s’avançant au-dessus d’un ravin, des buissons touffus offrent une vigueur et une variété peu ordinaires à la végétation de la partie centrale de Madagascar. Dans les traités de géographie, on affirme que la grande île africaine est traversée du nord au sud par une chaîne de montagnes formant une sorte de crête ou d’arête ; sur les cartes, la prétendue chaîne est figurée en toute conscience. C’est la pure invention d’un géographe : jamais aucun des anciens explorateurs n’a parlé de cette crête continue ; il y a un demi-siècle, les membres de la mission anglaise, qui avaient visité une partie de la région centrale de la Grande-Terre, ont déclaré le fait inexact, — l’erreur n’a pas été déracinée.

Les lacs sont en nombre à Madagascar ; plusieurs d’entre eux, d’une étendue considérable, parsemés de petites îles, bordés d’une riche végétation, donnent au pays un charme extrême. Dans la province d’Imerina, le lac Tasy, à l’ouest de la capitale, est renommé pour la pêche. Près de la côte orientale, les lacs, qui se succèdent, sont fort appréciés des Européens. Pour aller de Tamatave à Tananarive, il faut suivre le littoral sur une longueur de près de cent