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dans son étude si fine et si pénétrante sur Horace Walpole[1]. — Cet ensemble d’impressions médiocrement favorables ne put tenir, je l’avoue, contre l’expérience directe, et la lecture de la correspondance les modifia entièrement. Nous n’y mîmes d’ailleurs aucun entêtement : à quoi bon s’obstiner contre son plaisir ? A peine avions-nous parcouru quelques pages, la nouveauté de certains aperçus, la finesse des observations, l’agrément du récit, le charme de l’impression directe, sincère, personnelle, qui renouvelle même les sujets épuisés, tout cela nous avait ressaisi. Avons-nous raison contre un juge tel que M. de Rémusat, et pouvons-nous espérer que nous ajouterons un post-scriptum de quelque intérêt à son œuvre ? Le lecteur en décidera.

M. le comte de Baillon, qui a traduit ces lettres avec un soin d’artiste et d’ami, nous introduit dans l’intimité épistolaire de Walpole par une étude pleine de faits, écrite dans le ton d’une élégante simplicité. Il est presque de la maison. Personne n’est mieux renseigné que lui sur les détails biographiques et les relations de Walpole. Il s’était déjà familiarisé avec ce genre de travail par une étude sur l’oncle d’Horace, lord Walpole, et son séjour à la cour de France de 1723 à 1730. Ce qui l’a engagé à ce nouveau travail, c’est la publication de la grande édition, la seule vraiment complète, de la correspondance de son cher Horace, éditée à Londres en 1866 par M. Peter Cunningham, et qui ne renferme pas moins de deux mille six cent soixante-cinq lettres en neuf forts volumes in-8o. C’est dans ce vaste recueil que M. de Baillon a recueilli les lettres écrites en France, qu’il nous livre aujourd’hui dans leur intégrité. M. de Rémusat les a-t-il toutes connues ? On en peut douter d’après la date de l’édition de M. Cunningham, qui a suivi à dix années d’intervalle le travail de notre savant compatriote, et c’est ce qui expliquerait peut-être la sévérité de son jugement. M. Sainte-Beuve lui-même ne cite nulle part, à ma connaissance, le dernier éditeur anglais, et bien que rien d’essentiel ne soit révélé, bien que plusieurs de ces lettres aient été non-seulement imprimées dans les recueils précédens, mais traduites en totalité ou en partie dans les travaux français, cette publication garde un certain caractère de nouveauté, au moins pour la suite des lettres et l’ensemble. Nous y puiserons librement, moins soucieux de produire de l’inédit que de mettre en relief les impressions les plus intéressantes de Walpole sur les hommes et les affaires de France, sans négliger les femmes, de qui dépendaient trop souvent alors hommes et affaires.

  1. Voyez la Revue du 1er et 15 juillet 1852.