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trompons ! Seulement M. Gambetta ferait bien de renouveler ses études historiques et ses procédés d’éloquence, s’il ne veut pas rester le premier des déclamateurs. Que le radicalisme puisse être un péril en certains momens, c’est possible sans doute, si les opinions conservatrices et libérales s’énervent et se décomposent dans toutes les divisions. La France serait certainement la première victime ; mais il y a évidemment une chose tout aussi certaine, c’est que la république elle-même n’y résisterait pas. Est-ce qu’une nation vit longtemps dans la fièvre révolutionnaire, avec la violence au gouvernement, avec cette incapacité administrative dont les derniers rapports de la commission des marchés offrent de si curieux et de si tristes spécimens ? Un tel régime peut durer six mois, un an, si l’on veut, à travers toutes les luttes intestines ; puis la réaction éclate dans toute sa fougue, c’est alors le césarisme renaissant, peut-être l’empire restauré. Voilà où pourrait conduire, où conduirait fatalement une surprise de scrutin qui donnerait une victoire éphémère au radicalisme ! Le pays n’en est pas là heureusement, et ce qui peut le mieux le préserver de ces extrémités, c’est l’alliance simple, naturelle, décisive, du gouvernement et de toutes les forces conservatrices dans une situation acceptée sans arrière-pensée et sans mauvaise humeur.

Le mouvement des choses rendait, il y a un an, à leur pays des princes exilés qui avaient servi la France avec honneur, et qui depuis leur rentrée ont pu librement, sans prétention, surtout sans ambitions agitatrices, prendre part aux affaires publiques. La fin de l’exil n’a point été pour eux la fin des épreuves. M. le duc d’Aumale, déjà si souvent frappé dans sa famille, vient de perdre subitement, à l’improviste, le dernier de ses enfans. Il y a quelques années, un autre fils de M. le duc d’Aumale, le prince de Condé, succombait en Australie pendant un voyage d’instruction. Hier le jeune duc de Guise était enlevé à Paris par un mal implacable dans la grâce de l’adolescence et dans le feu de l’étude. Parce qu’il était prince, parce qu’il était d’une famille qui a régné sur la France, il ne se croyait pas dispensé du travail, il pensait au contraire qu’il se devait à lui-même de se mettre par l’instruction au niveau de sa naissance et de son nom. Le jour où il est mort, il devait subir son examen de bachelier ès-sciences, il allait se présenter à l’École polytechnique, et par une délicate réserve il n’avait pas voulu qu’on parlât de lui à ceux qui devaient l’examiner. Il suivait comme tous les autres les cours du lycée, il était un des plus assidus, un des plus aimés parmi ses camarades, et avec eux il voulait courir la fortune de tous les candidats. La mort est venue frapper le duc de Guise dans sa studieuse jeunesse, et ne laisse à M. le duc d’Aumale que l’ineffaçable deuil d’une espérance perdue. Ici l’aiguillon des punis s’émousse heureusement, et autour de cette tombe prématurément ouverte comme autour de ce deuil d’un père il n’est resté que de douloureuses sympathies, qui ne