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rendues, — dans des circonstances, il est vrai, qui ne leur permettent pas un fonctionnement aussi simple que par le passé, — se résument dans le système synodal, une des créations les plus admirables de l’esprit de gouvernement uni à l’esprit de liberté. C’est là qu’éclate tout le génie de Calvin, que l’on juge en France d’une manière si superficielle. On demande volontiers à un Audin de nous donner la mesure de ce géant. Sans doute il n’a pas le charme, la séduction de ce grand sceptique couronné qui a cru que Paris valait bien une messe ; le monde entier n’aurait pas compensé à ses yeux l’abandon de sa croyance, qui s’est exaltée jusqu’à la terrible doctrine de la prédestination, et s’est montrée un jour sans pitié pour le malheureux Servet. Il n’en demeure pas moins que, par son inflexible fidélité à ce qu’il croyait la vérité, il a conquis à la réforme et à la liberté civile et religieuse toute une portion du monde civilisé, je veux dire cette grande race anglo-saxonne qui porte aux extrémités du globe le droit de la conscience et la plus féconde énergie. Calvin, le rude dictateur religieux de Genève, lui a donné le plus parfait modèle de ce gouvernement parlementaire qui est sa gloire et sa puissance, et ce modèle n’est autre que le régime synodal.

Les premiers prédicateurs de la réforme en France avaient fondé de nombreuses églises qui s’étaient immédiatement donné des pasteurs en même temps que des directeurs laïques sous le nom d’anciens, — organisation calquée sur celle de la chrétienté primitive aux temps apostoliques. Ces églises avaient bien la communauté de croyance, mais elles n’étaient pas unies entre elles. Il fallait les rattacher à un même corps pour que l’ordre fût maintenu, surtout dans un temps de dispersion et de persécution. En Allemagne, la réforme avait rallié à elle plusieurs princes souverains ; l’église trouvait dans son union avec l’état le cadre de son association. Rien de semblable n’était possible en France, car l’état, c’était l’ennemi. François Ier, un moment hésitant, n’avait point fredonné longtemps les psaumes de Marot ; il avait déclaré une guerre à mort à ceux qui les chantaient après lui et sans lui. L’organisation vint donc des églises elles-mêmes : tous leurs pasteurs étaient disciples de Calvin, ils ne firent qu’appliquer ses vues. C’est à Paris, au mois de mai 1559, que fut tenu ce qu’on peut appeler l’assemblée constituante du protestantisme français. Elle se tint secrètement, dans une maison écartée du faubourg Saint-Germain, sous la présidence du ministre Morel, pasteur à Paris. Onze églises seulement purent envoyer des délégués. Les délibérations pouvaient être à chaque instant interrompues par les gens du roi ; une sentence de mort planait sur l’assemblée. Elle n’en délibéra pas moins avec le plus