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champions des deux tendances qui se partagent l’église réformée, nous n’avons pas à les caractériser pour le moment. L’intérêt des débats soulevés à Paris dépasse de beaucoup le cadre du protestantisme français. Ils se produisent à l’heure actuelle dans tous les pays où la réforme a étendu sa domination. En Allemagne et en Suisse, la tendance radicale est sortie du domaine purement scientifique et a fondé de vastes associations qui prétendent introniser dans la chaire chrétienne les résultats les plus avancés de la théologie négative. D’autres associations en sens contraire se sont établies pour leur résister. En Angleterre, le mouvement soulevé par la publication des Essais et Revues, qui déchaîna tant d’orages, n’est pas près de s’arrêter, et l’église anglicane voit surgir des conflits qu’elle ne pourra longtemps contenir par son organisation séculaire. La cour du banc de la reine a eu à juger déjà d’étranges procès d’hérésie. La Hollande nous présente un spectacle en tout point analogue à celui du protestantisme français. En Amérique, l’ardente parole de Parker, l’unitaire philanthrope, a créé un parti enthousiaste et hardi qui bat en brèche l’orthodoxie évangélique. On le voit, ce n’est pas une tempête dans un verre d’eau qui s’offre à nos regards. Si le cadre est restreint, la crise qui s’y révèle est générale et demeurera l’un des signes du temps.

Revenons aux circonstances particulières qui ont amené la convocation du synode de Paris.

Chaque élection nouvelle dans les églises protestantes françaises provoquait une agitation considérable. Déjà en 1849, dans un synode général officieux qui ne fût jamais reconnu par l’état, une scission s’était opérée. M. A. de Gasparin, ancien député, et M. le pasteur F. Monod s’étaient retirés de l’église officielle sur son refus de se donner une profession de foi. Ils avaient rejoint les églises indépendantes et avaient contribué à leur organisation définitive sous le nom d’Union des églises évangéliques de France. En quittant le protestantisme officiel, ils y avaient laissé leur pensée comme un levain caché. Le parti évangélique n’a pas cessé un seul jour de réclamer des conditions religieuses pour l’électorat : il a fait plus, il s’est constitué en une fédération qui a pris le nom de Conférence évangélique. Là où elle a été en majorité, comme à Paris la fraction évangélique a exclu de l’église par ses votes la tendance contraire ; mais l’anarchie n’en subsistait pas moins dans l’organisme entier. A cela, il n’y avait qu’un remède, la convocation d’un synode général. La nouvelle école, d’abord favorable à cette convocation, en a bientôt compris le danger ; aussi a-t-elle fait tout ce qu’elle a pu pour l’empêcher. Le décret de convocation fut accueilli par elle avec une vive répugnance, qui dans quelques églises alla jusqu’à provoquer des protestations énergiques.