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parti orthodoxe de la vraie notion d’église, qui ne saurait être en soi l’association des contraires. Le droit historique, c’est le développement de la tendance opposée dans une église nationale ou concordataire qui dans son contrat d’union avec l’état ne stipulait pas clairement le maintien de croyances définies. C’est de cette contradiction qu’il importe de se rendre compte : elle sera le point de départ d’une évolution nouvelle.

Soutenir, disent les orthodoxes, que le christianisme subsiste avec son caractère propre, une fois qu’on l’a débarrassé du miracle et qu’on a réduit son fondateur à n’être qu’un philosophe juif, est aussi rationnel que de prétendre que l’on eût été disciple de Platon à Athènes en rejetant la théorie des idées. C’est en vain qu’on prodigue à l’Évangile les éloges les plus enthousiastes ; lorsqu’on l’a réduit à un simple livre de philosophie, il n’est plus lui-même. Nous sommes de l’avis d’Ajax : combattons dans la lumière et non dans l’obscurité ; les luttes intellectuelles n’ont rien à gagner à l’équivoque. Il n’est pas juste non plus d’interdire tout élargissement aux formulaires de l’église. Tant que le christianisme est considéré comme une intervention surnaturelle de la liberté divine dans l’histoire humaine pour opérer une œuvre de rédemption, il subsiste dans son essence. Les explications du fait peuvent et doivent varier, il n’est pas détruit, et il serait étrange d’enfermer la pensée religieuse dans le cercle d’une théologie spéciale qui n’est qu’un essai humain d’interprétation. Ce procédé commode sert également les autoritaires et les radicaux. Les évangéliques du synode étaient fondés à substituer au formulaire scolastique du XVIe siècle une profession simple et populaire de la foi s’attachant avant tout aux faits chrétiens. Au nom de quel principe interdirait-on à une église le droit de définir sa doctrine ? Ce serait lui contester ses conditions mêmes d’existence. Toute association doit avoir sa raison sociale ; pourquoi l’église n’aurait-elle pas la sienne ? Quiconque connaît le passé de l’église chrétienne aux temps de son premier développement sait qu’elle n’a pas été constituée sur d’autres bases. Rien n’est plus libéral qu’une société religieuse qui développe son symbole comme son drapeau, et le propose à l’adhésion réfléchie de tous les hommes sans l’imposer à personne. Les églises les plus considérables et les plus indépendantes du monde, en Angleterre et aux États-Unis, n’ont point d’autre mode de recrutement. Qu’on n’oublie pas que le protestantisme ne confère aucun caractère absolu à ses symboles ; il ne tranche point de l’infaillibilité, seulement il se donne les conditions d’ordre que réclame toute société qui ne veut pas périr par l’anarchie. La fraction évangélique du synode de Paris n’a donc rien fait d’étrange en écartant dans son projet de réorganisation la théorie anarchique qui admet dans la même chaire