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lorsqu’elle serait assez forte. Enfin cette même cour disposait d’une arme formidable, la jalousie des Slaves, Croates ou Tchèques, même des Allemands, contre les trop heureux et trop libres Magyars. Le soldat inspiré affrontait résolument cette coalition :


« Ils grognent tous ensemble, le Croate, le Tchèque, l’Allemand. Ils veulent détruire ce peuple que Dieu protège depuis dix siècles. Pour nous tous, une seule vie, une seule mort ! nous tenons tête au péril.

« ils disent : Elle n’est plus, la patrie magyare. — Oh ! oh ! pas encore ; il n’y aura plus de Magyar, c’est possible, mais nous aurons le temps de vous enterrer. Pour nous, une seule vie, une seule mort : le sabre au vent pour notre belle patrie ! »


Cependant les mécontentemens accumulés contre les Magyars éclataient au mois d’août par un manifeste de Jellachich, patriote slave et ban de Croatie, en septembre par une invasion du. sol hongrois évidemment autorisée, sinon suggérée par l’Autriche. S’il fallait faire ici à chacun sa part, nous dirions que la Hongrie a travaillé à sa propre ruine : si l’on grognait chez les Slaves sujets de la couronne de Saint-Étienne, c’est que l’on craignait de ne pouvoir bientôt plus parler que le magyar, c’est que le gouvernement libéral de Pesth menaçait d’être plus tyrannique à certains égards que le vieux cabinet de Metternich ; mais nous ne faisons que l’histoire des idées et des passions : — à ce point de vue, il est permis d’admirer le chant de Czuczor, vieux poète de quarante ans au milieu de ces enfans poètes.


« Il vit encore, le dieu des Magyars. Malheur à celui qui voudra le combattre ! Ce dieu est avec nous, et il nous aide. Nous étions un peuple libre, nous le serons encore…

« Plus de brigands chez nous ! Magyars, en bataille ! La tempête mortelle est sur la tête de ceux qui grincent des dents contre nous, qui nous préparent les chaînes et le joug…

« Sous nos pieds est la terre, et sur nos têtes le ciel. On apprendra qu’il vit encore, le peuple héroïque d’Arpad. Chaque goutte de sang patriote qui sera répandue criera vengeance au ciel contre l’usurpation ! »


Le « dieu magyar » n’est pas une pure fantaisie poétique, c’est une idée très sérieuse que nous retrouvons dans le langage de la tribune et des réunions publiques pendant toute la guerre de l’indépendance. Ainsi Kossuth, ayant appris une mauvaise nouvelle