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réquisitions précédentes ou déjà libéré du service, ils arrivaient au » camp et se faisaient inscrire. Les hussards n’avaient pas de peine à se recruter dans ce pays de cavaliers. La plupart d’entre eux n’avaient pas grand’chose à perdre : ils chantaient joyeusement leur libre insouciance, non sans un trait moqueur à l’adresse de leurs camarades plus riches. « Qui je suis, qui je suis ? Je suis un hussard magyar ; je vais à pied chez moi, à cheval dans la bataille. — Je ne possède que mon bras et mon épée. Cavalier citadin, ne me demande pas si j’ai de l’argent dans ma poche, si j’ai un thaler d’argent. »

Les cavaliers magyars ont toujours été fiers à bon droit de leur rapidité, de leur choc furieux et irrésistible. Un de leurs généraux, Perczél, excitait leur admiration sous ce rapport ; c’est ce que disent ces vers, dont la traduction ne peut rendre l’harmonie à la fois légère et sauvage : « Un vent souffle sur la forêt, souffle sur la plaine : qui donc fait mugir les airs ? Sans doute Maurice Perczél fait galoper son cheval. »

Les Hongrois avaient encore des auxiliaires étrangers, comme autrefois les Grecs dans leur insurrection contre les Turcs. L’Europe de 1848 n’avait pas renoncé aux passions généreuses éveillées dans les âmes par le principe des nationalités, alors que ce principe était une force désintéressée au lieu d’être, comme on l’a vu récemment, l’instrument des ambitieux sans scrupule. Plusieurs Français venaient de se consacrer au service de la cause magyare. Sans parler de nombreux publicistes qui soutenaient cette cause dans les journaux français peut-être avec plus de bonne volonté que de compétence réelle, Auguste de Gérando, devenu presque Hongrois par son mariage, avait entrepris de faire connaître à ses compatriotes de naissance son pays d’adoption ; une mort prématurée l’a empêché d’accomplir son œuvre. Parmi les généraux que célébrait le plus volontiers la poésie populaire, il ne faut pas oublier le brave Guyon, également d’origine française ; mais le plus grand nombre d’auxiliaires était naturellement fourni à la Hongrie par la « nation sœur, » la Pologne. Depuis 1815, toute trace des anciennes rivalités avait disparu ; il ne restait entre les deux pays que le souvenir des vieilles alliances et la haine des trois cours du nord. Les Polonais, dans leur insurrection de 1831, avaient eu à se louer des Magyars. Malgré la politique ambiguë de Metternich et de François II, qui auraient vu sans déplaisir l’affaiblissement de la Russie, mais qui ne voulaient pas laisser des sujets autrichiens combattre sous un drapeau révolutionnaire, plusieurs libéraux étaient allés se joindre à l’armée polonaise, et après la prise de Varsovie la Hongrie avait rivalisé avec la France d’enthousiasme pour la cause vaincue et d’hospitalité