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le savant explorateur, fatigué et malade, ne put continuer ses recherches au-delà de quatre mois ; ses collections, adressées au Jardin du Roi, un moment ont été un trésor. Commerson ne devait pas lui-même faire connaître ce qu’il avait recueilli ; élu membre de l’Académie des Sciences le 21 mars 1776, cette nomination était comme une couronne sur un tombeau. Huit jours auparavant, le compagnon de Bougainville, le voyageur instruit, l’observateur pénétrant, était mort à l’Ile-de-France[1].

Après Commerson, un autre naturaliste distingué, Sonnerat, qui avait déjà étudié les végétaux et les animaux de l’Inde et de la Chine, vint toucher à Madagascar. Un très court séjour suffit au savant pour acquérir la connaissance de plusieurs faits d’un haut intérêt. Sonnerat, le premier, a décrit, ainsi que plusieurs autres espèces végétales, le ravenala, l’arbre du voyageur, de nos jours presque poétisé par une sorte de légende ; il a signalé des makis, rapporté l’aye-aye, l’un des plus singuliers mammifères. Il a donné un aperçu de l’île et des coutumes des indigènes, ajoutant quelques traits aux renseignemens que nous devons à Flacourt. Si ce pays était habité par les Européens, dit Sonnerat, il serait peut-être le plus beau, le plus puissant, le plus riche du monde. Il est douteux que nous puissions nous y fixer d’une manière solide, parce que les habitans veulent être traités avec douceur. Comment flétrir en termes plus simples la conduite de ceux qui eurent la prétention de fonder un grand établissement colonial ? Le naturaliste voyageur constate en 1774 que la côte de l’est, dont les meilleurs ports sont le fort Dauphin, Tamatave, Foulepointe, Sainte-Marie et le port Choiseul dans la baie d’Antongil, est seule connue ; — la partie de l’ouest est peu fréquentée à cause de la cruauté des habitans. Le territoire situé autour de la baie de Saint-Augustin est aride, peu boisé, parsemé de grosses roches ferrugineuses et couvert d’une espèce de liseron qui rampe sur les bords de la mer et dans les endroits sablonneux. D’après notre observateur, il y a trois races d’hommes bien distinctes à Madagascar : la première très noire avec des cheveux courts et crépus, la seconde au teint basané avec les cheveux longs et plats, et les traits ressemblant à ceux des Malais, — elle demeure dans quelques provinces de l’intérieur : on reconnaît les Ovas ; — la troisième, répandue aux environs du fort Dauphin et sur quelques parties de la côte occidentale, descend des Arabes. Les hommes de cette origine écrivent la langue malgache, en caractères arabes, sur de mauvais papier qu’ils fabriquent eux-mêmes. Et notre auteur ajoute : A défaut d’encre et de papier, ils

  1. Commerson n’avait que quarante-six ans.