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séduisant. Cela tient-il tout simplement à une fâcheuse disposition d’esprit ?

Le 4. — Quels singuliers caractères dans la colonie diplomatique de ce pays ! Ils s’ennuient tous mortellement, ils se lamentent sans cesse et se détestent tous entre eux. Je vous ai déjà parlé de M. H. de B…, il demeure hors de la ville dans une belle maison : c’est son luxe à lui ; il est grandement logé, mais il ne reçoit presque personne. Lord Howden est une figure bien plus étrange ; jugez-en. Quand il était en Espagne, il s’était affublé de je ne sais quelle Andalouse au teint bruni. Cette femme, il l’a emmenée ici et lui a donné une maison hors la ville. Il advient qu’un jour une négresse esclave s’enfuit de chez son maître et court demander asile chez cette demi-lady Howden. C’est l’usage ici qu’en pareil cas la personne chez qui l’esclave marron s’est réfugié lui sert de parrain ou de marraine pour rentrer en grâce sans punition auprès de son maître. Lady H… se met en route avec la négresse pour la reconduire au bercail ; chemin faisant, elles sont rencontrées par un agent de police qui reconnaît l’esclave et veut la saisir. La négresse se jette au cou de la dame et ne veut pas lâcher prise. De la lutte dans laquelle lady H… tombe par terre et dans une posture désagréable pour elle. Elle rentre à la maison, se plaint qu’elle a été insultée et demande vengeance. Lord H… s’exalte, prend à sa ceinture ses deux pistolets, son fusil à la main et un large coutelas. Il se jette sur l’agent de police, le terrasse, lui lie les mains, et, le mettant au bout de son fusil chargé, il lui fait faire ainsi plus de deux lieues sous menaces de mort, et le ramène en ville. Le scandale fut grand, mais comment résister au ministre d’Angleterre ? Le gouvernement brésilien jugea plus à propos de se fâcher contre l’agent de police. L’action des Anglais sur les peuples de tous ces pays est terrifiante. — Je clos ici ma lettre parce que je me propose de partir pour une course à terre dans la campagne.


À bord de la Reine-Blanche, île Bourbon, le 25 mars 1848.

J’avais une espèce de journal à vous envoyer. C’était bien intéressant ! Il y était question du ciel tantôt plus transparent et plus azuré qu’un saphyr, tantôt plus sombre et plus nuageux que le front de M. Victor Hugo, de la mer bleue, calme, puis tout à coup grondant, jurant, nous crachant au visage, nous couvrant d’écume, nous secouant comme une jardinière secoue les cerneaux qu’elle écale, enfin de la brise parfois douce, fraîche, parfumée, nous enveloppant de suaves et voluptueuses haleines, parfois gémissant dans nos cordages, ou bien hurlant de fureur de ne pouvoir ni