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blessés qui en profitent ne sont nécessairement pas ceux qui ont été le plus grièvement frappés ; les supplémens de pension sont subordonnés aux nécessités budgétaires, et les secours votés par l’assemblée ne remédient qu’imparfaitement à la pénible situation des 10 000 mutilés des guerres de Crimée, du Mexique, d’Italie, de Chine et de Cochinchine, et des 15 000 mutilés de la dernière campagne.

Que faut-il faire pour remédier à cet état de choses ? Il faut, dit M. de Riencourt, assurer aux hommes qui sont encore capables de les remplir des emplois en rapport avec leurs facultés et leur instruction : — Il faut procurer aux autres, c’est-à-dire à tous ceux qui sont hors d’état de travailler, une existence relativement aisée, en augmentant leur retraite proportionnellement à leur état d’impuissance et d’infirmité ; — il faut réserver exclusivement l’hôtel des Invalides aux mutilés qui n’ont point de famille ; — il faut enfin organiser l’assistance militaire comme un grand service national non-seulement pour acquitter une dette sacrée envers les enfans de la patrie commune, mais aussi pour raffermir les courages contre les terribles éventualités de la guerre, car il est de notoriété publique dans toutes les administrations que les actes de dévoûment augmentent, lorsque ceux qui les accomplissent ont acquis la certitude que des moyens de vivre honorables et suffisans leur sont réservés en cas de blessures, ou garantis à leurs veuves en cas de mort. M. de Riencourt dit avec raison à ce sujet que la prévoyance qui a présidé à l’organisation des secours aux veuves et aux enfans des matelots de l’inscription maritime n’a pas été sans influence sur l’héroïque dévoûment dont nos marins ont donné tant de preuves dans la dernière guerre. Il évalue à 10 millions environ la somme qui serait nécessaire pour réaliser les améliorations qu’il propose ; mais il ne veut point mettre cette nouvelle charge au compte de notre budget déjà si surchargé. Il cherche, et il indique quels seraient, suivant lui, les voies et moyens à l’aide desquels on pourrait alimenter la caisse de l’assistance militaire sans accroissement de dépenses pour l’état. Parmi ces moyens il en est de très pratiques ; il en est aussi quelques-uns qui soulèvent des objections, tels par exemple que la suppression, pour les militaires qui seraient notoirement dans l’aisance, du traitement attaché à la légion d’honneur et à la médaille ; mais ces objections n’infirment en rien la pensée qui a inspiré sa brochure. Un honorable député de la Somme, M. de Rambures, a déposé sur le bureau de l’assemblée nationale deux propositions de lois fort détaillées qui donnent un programme complet d’organisation. Nous avons tout lieu d’espérer que cette généreuse initiative portera ses fruits, et nous l’espérons d’autant plus que la guerre de 1870 a fait éclater en faveur de nos blessés un admirable élan de patriotisme et de charité. Les Ambulances de Paris pendant le siège nous en donnent la douloureuse et touchante histoire.

L’auteur de cet intéressant petit livre, M. Alexandre Piedagnel, ancien