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naturellement à souffrir de ces rigueurs une des premières. Les poursuites y commencèrent dès septembre 1527. Langenmantel fut arrêté et condamné au bannissement. Tombé quelque temps après aux mains d’officiers appartenant à la ligue de Souabe, il subit le dernier supplice. On fit éprouver le même sort à plusieurs de ses compatriotes qui partageaient ses opinions. Quelques chefs anabaptistes d’Augsbourg furent toutefois plus heureux ; ils réussirent à tromper les investigations de la police. En Autriche, l’archiduc Ferdinand fit sommer Lienhart de Lichtenstein de lui livrer Hubmaïer. Ce seigneur n’était pas en position de résister, et l’ancien professeur d’Ingolstadt fut brûlé vif, montrant jusque sur le bûcher un courage sans forfanterie et une résignation toute chrétienne, dont un autre réformateur de la Bohême, Jean Huss, avait jadis donné l’exemple. Brödli et Blaurock périrent de même. Hätzer monta sur l’échafaud ; toutefois son exécution, qui eut lieu à Constance en 1529, avait pour cause non une condamnation d’hérésie, mais un crime d’adultère dont il était convaincu. Moins ferme dans sa foi que les autres apôtres de l’anabaptisme suisse, moins pénétré des préceptes de l’Évangile, il varia souvent d’opinions,, et, après avoir abjuré la foi des rebaptiseurs, il y était revenu. Grebel n’aurait certes pas échappé au martyre, si une mort prématurée ne lui eût épargné la triste destinée de ses frères.

La persécution fut surtout violente dans les états de la maison d’Autriche, où l’église catholique continuait à être armée contre l’hérésie d’une pénalité inexorable. Dans le Tyrol et le comté de Gorice, de 1527 à 1531, près de mille anabaptistes furent mis à mort. À Linz, en moins de deux mois, 73 exécutions avaient eu lieu pour le même fait. En Bavière, l’autorité épuisa toutes les rigueurs. En vertu des ordres du duc Guillaume, tout anabaptiste devait subir la peine capitale ; se rétractait-il au dernier moment, tout ce qu’on lui accordait, c’était d’avoir la tête tranchée ; s’il persévérait jusqu’au bout dans son erreur, il était brûlé vif. En Souabe, on ne prit généralement pas la peine d’instruire le procès de ceux qui étaient accusés ; on recourait à des exécutions sommaires. Les supplices étaient au XVIe siècle, et surtout en Allemagne, d’une incroyable cruauté, et les tortures ne furent pas épargnées aux malheureux sectaires. En 1527, à Rothenbourg sur le Neckar, Michel Sattler, l’un des docteurs de la secte, était condamné à avoir la langue arrachée, à être tenaillé avec des pinces ardentes, puis à expirer sur le bûcher. Les états qui s’opposaient à l’exécution de l’édit de Worms et tenaient conséquemment pour la réforme, sans pousser aussi loin l’inhumanité, poursuivirent cependant les anabaptistes avec une grande sévérité. Là les plus coupables étaient décapités, ici on les