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l’engagement de ne pas séparer sa cause de celle du peuple. Les luthériens comptaient rendre ainsi l’indépendance de Rothmann solidaire de celle du sénat. Ce fut là l’objet de longs débats. L’assemblée n’entendait pas s’engager; tous ses efforts tendaient à écarter une clause qui n’allait rien moins qu’à lui faire consacrer par avance les principes que condamnait l’église. Rothmann insistait de son côté pour qu’une conférence solennelle eût lieu où seraient discutées les questions en litige. C’était le moyen que réclamaient partout les novateurs, confians dans leur savoir et leur habileté à manier des textes avec lesquels le clergé orthodoxe n’était guère familiarisé. Sur ce point, le sénat se sentit si vivement pressé qu’il céda. Le clergé fut donc invité à prendre part à la conférence ; il demanda du temps afin de se préparer à répondre, mais en rejetant les bases que son adversaire voulait exclusivement donner à la dispute, les saintes Écritures, seul fondement infaillible à ses yeux de la foi chrétienne.

En se laissant arracher une concession qui permettrait de contester l’autorité de l’église, le sénat se mettait à la remorque du parti de Rothmann; toutefois il aimait mieux en passer par une telle exigence que d’entamer une lutte qui pouvait entraîner son complet renversement. Restait à parer au danger que créait l’inexécution des ordres de l’évêque. La réponse que le sénat fit à ce prince lui fut dictée par les luthériens. Il y évita de s’expliquer sur la question du rétablissement de l’ancien culte et de l’éloignement des prédicans; il rappela les franchises dont jouissait la ville en tout ce qui touchait l’administration intérieure, et appuya sur la ferme volonté qu’avaient les habitans qu’on leur prêchât la pure doctrine de l’Évangile. Cette lettre trahissait la victoire que la réforme venait de remporter, et, redoutant que le prélat ne recourût à la force, l’assemblée ne négligea rien pour le détourner de l’idée que Münster pût être réduit à l’obéissance par une intervention armée. En même temps, le comité des trente-six s’adressait au landgrave de Hesse et le sollicitait de s’entremettre près du comte Franz, avec lequel il était en bonne relation, pour que les évangéliques de Münster ne fussent pas inquiétés, que satisfaction ne fût pas donnée au chapitre. Le landgrave se rendit à ces désirs, mais il avertit le comité qu’en lui prêtant appui il n’entendait pas pourtant porter atteinte aux droits temporels de l’évêque et de son clergé. Philippe, tout zélé réformé qu’il fût, n’en demeurait pas moins le défenseur de l’autorité princière, dont il faisait passer les droits avant les prétentions de ses coreligionnaires. Il usa en conséquence de beaucoup de réserve dans sa démarche, se bornant à faire appel aux intérêts bien entendus du prélat; il lui représenta