Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenberg tenaient pour une erreur presque aussi condamnable que le papisme. Le traité du 14 février n’autorisait donc point l’établissement à Münster de la religion que Rothmann y constituait de son plein gré. Ses agissemens n’échappèrent pas aux catholiques, qui surveillaient son œuvre d’un œil inquiet. Un de leurs prédicateurs, Romberch, signala le caractère tout zwinglien des innovations apportées dans le culte. L’attention des pasteurs luthériens de la Westphalie fut éveillée. Luther et Mélanchthon en écrivirent à Rothmann. L’évêque Franz de Waldeck, qui épiait l’occasion de ressaisir son autorité spirituelle, alla porter plainte à la diète de Brunswick, et, arguant des clauses du traité du 14 février, réclama, l’appui de la ligue de Schmalkalde pour obliger les Münstérois à ne pas dépasser les limites de la réforme de Luther. C’était en effet aux membres de la ligue qu’il appartenait d’après les stipulations de sanctionner la constitution religieuse que Münster s’était réservé de rédiger. Une telle clause n’avait pas empêché le sénat de s’en remettre à Rothmann pour l’organisation de la nouvelle église. l’ex-chapelain n’avait-il pas été le grand promoteur de la réforme dans la ville? A quel autre que lui pouvait revenir une pareille tâche? Quel théologien aurait pu balancer son influence? N’était-il pas l’idole des gildes, avec lesquelles il fallait compter? Rothmann avait d’ailleurs ses créatures dans le sénat, sa parole était toute-puissante, il le savait, et il profita de ses avantages pour conduire à sa guise la réforme de l’église münstéroise, sans souci de l’orthodoxie luthérienne. il visait avant tout à garder sa popularité, et il comprenait qu’il la maintiendrait d’autant plus qu’il romprait davantage avec les anciennes institutions, pour lesquelles les agitateurs avaient inspiré au peuple une aversion prononcée.

Le parti démocratique usa encore d’intimidation. La constitution ecclésiastique rédigée par Rothmann fut sanctionnée au Rathhaus; elle était conçue de façon à transporter aux hommes de la bourgeoisie et des gildes toute l’influence que les luthériens éclairés eussent voulu donner aux familles bourgeoises les plus instruites entre celles qui avaient accepté la réforme. Les pasteurs étaient à l’élection des paroissiens. Le sénat, uni aux anciens et aux maîtres des gildes, choisissait des examinateurs chargés de s’assurer de la capacité des ministres ainsi élus. Les écoles, l’administration des deniers de l’église, la distribution des aumônes, étaient confiées à des fonctionnaires placés sous la surveillance de ce même sénat, de ces mêmes anciens et des maîtres des gildes. Cette constitution se rapprochait beaucoup de celles qu’avaient introduites Bucer à Strasbourg, Œcolampade à Bâle, Zwingli à Zurich; elle ouvrait la porte aux principes de ces réformateurs, plus avancés que les