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branlaient, et, si ce que les protestans appelaient la superstition catholique ne dominait plus les consciences, aucune autre foi solide et efficace n’en avait pris la place.

Van der Wieck résolut enfui d’arrêter un mal qui menaçait d’anéantir l’œuvre à laquelle il avait coopéré avec autant d’ardeur que de sincérité; il fit au sénat la proposition formelle d’enlever à Rothmann la direction de l’église et d’en investir exclusivement cette assemblée; c’était songer à chasser l’ennemi de la ville quand il était déjà maître des points principaux. Non-seulement Rothmann avait pour lui une démocratie entreprenante et décidée, mais aux pasteurs qui le soutenaient dans ses projets ecclésiastiques étaient venus se joindre de nouveaux apôtres du radicalisme religieux, dont les principes menaçaient bien plus le luthéranisme münstérois que le zwinglisme mitigé contre lequel il luttait.

La réforme avait recruté de nombreux partisans dans les duchés de Clèves et de Juliers, alors réunis sous un même sceptre; ils s’y étaient multipliés grâce à la tolérance du gouvernement ducal, pénétré du désir de porter remède aux abus et aux désordres dont l’église catholique donnait, là comme ailleurs, le triste spectacle. Sans prétendre toucher à l’enseignement théologique et nourrir le projet de se séparer du saint-siège, ce gouvernement tentait de secouer la domination cléricale. Ainsi s’explique sa condescendance pour des doctrines qui favorisaient ses vues, bien qu’elles les dépassassent. Il se gardait d’inquiéter les protestans quand ceux-ci se bornaient à parler et à écrire, sans porter aucune atteinte directe au respect et aux formes du culte établi. Cette tolérance s’accroissait encore de la faveur marquée que témoignaient pour les nouvelles idées divers seigneurs de l’un et l’autre duché. Les fauteurs de la réforme trouvaient dans les domaines de ceux-ci une protection plus avouée que ne leur en accordait le gouvernement du prince. On vit bientôt affluer dans le pays situé entre le Rhin, la Neers et la Roer une foule de gens que la hardiesse de leurs opinions exposait à des poursuites dans le reste de l’Allemagne. Les plus nombreux étaient les partisans de Zwingli, qui étendaient leur active propagande dans toute la région qu’arrose le Rhin, dont les eaux avaient en quelque sorte apporté cette secte de Schaffouse et de Bâle jusqu’en Hollande. A eux se mêlaient d’autres radicaux en opposition bien plus décidée avec l’église, les prosélytes des idées de Melchior Hoffmann et des principes anabaptistes. Plusieurs de ces missionnaires de la réforme surent assez se concilier l’appui des seigneurs westphaliens pour être choisis par eux comme prédicateurs ou chapelains; ils en profitèrent pour faire subir dans quelques localités au service divin des changemens où se trahissait un