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prenait cependant une physionomie nouvelle sous l’énergique et vigilante autorité du général d’Aurelle de Paladines, qui commençait par ramener ses troupes un peu plus en arrière, dans de bonnes positions défensives, au camp de Salbris, derrière la Sauldre, et qui là s’attachait à reconstituer un ordre militaire. Le commandant en chef visitait son armée, régiment par régiment, bataillon par bataillon, parlant aux officiers et aux soldats, s’efforçant de réveiller chez eux le sentiment de la discipline et du devoir, stimulant leur patriotisme, les rappelant au respect du drapeau et s’occupant aussi de leur bien-être, car il y avait des malheureux, comme les zouaves du 2e régiment, arrivés depuis peu d’Alger, qui étaient presque nus. Bientôt, soit sous l’influence de la vie de camp, soit par l’intervention des chefs supérieurs, soit enfin sous l’impression de quelques exemples de sévérité, la transformation était complète. Les soldats redevenaient bons et dévoués, les officiers étaient obéis. Le 15e corps existait désormais avec ses trois divisions, dont l’une dirigée par le général Martin des Pallières comptait 25,000 hommes. Pendant que le général d’Aurelle était tout entier à ce travail de jour et de nuit, le gouvernement de Tours se hâtait de lui donner le commandement supérieur d’un 16e corps qu’il créait à Blois sous les ordres directs du général Pourcet. Ce 16e corps n’égalait pas sans doute le 15e et il n’était pas surtout encore ce qu’il est devenu depuis sous le général Chanzy. M. de Freycinet le représentait comme ayant déjà 35,000 hommes, il n’en avait pas 20,000, et le général Pourcet écrivait que ses troupes lui arrivaient successivement, mal organisées, indisciplinées, manquant de tout, malgré ses incessantes réclamations ; mais enfin, avec le 15e corps, c’était l’armée de la Loire constituée, et, selon le mot du général Chanzy, l’œuvre accomplie par le général d’Aurelle à Salbris allait servir de type à toutes les formations qui se sont succédé.

Nul doute que, si on eût suivi cette voie, si on s’était borné à organiser des corps d’armée, en laissant au général d’Aurelle ou à des hommes de sa trempe le soin de discipliner, de manier ces soldats improvisés, et en prenant un peu son temps, nul doute qu’on n’eût pu arriver à des résultats sérieux ; mais on était pressé, on brûlait de voler sur la route de Paris avec les forces qu’on se sentait sous la main, et le général d’Aurelle commandait à peine depuis dix jours qu’on lui demandait déjà d’entrer en campagne. L’état-major allemand de Versailles commençait lui-même à se préoccuper de ces formations qu’il entrevoyait sans en connaître exactement l’importance et surtout la consistance. Il les avait peut-être un peu dédaignées d’abord, ou il avait cru suffire à tout par l’occupation d’Orléans ; il ne distinguait pas moins derrière ses