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d’assurer la revanche nationale. » Certes mieux valait le simple et modeste ordre du jour du général d’Aurelle.

Coulmiers ravivait et devait raviver toutes les espérances. Est-ce à dire que cette brillante affaire pût avoir les conséquences décisives que les imaginations impatientes entrevoyaient, qu’il fût possible de se jeter sans perdre un instant sur la route de Paris ? N’aurait-on pas pu tirer un plus éclatant parti de la victoire ? C’est assurément une des questions les plus délicates. « Le génie, la hardiesse, la résolution, manquaient à la France dans cette heure suprême, » ont répété des stratégistes peu au courant de la situation réelle des choses. M. de Freycinet, résumant toutes les illusions, dit dans son livre sur la Guerre en province : « Après Orléans, si l’on avait marché tout de suite sur Paris, il parait établi qu’on aurait réussi. On n’aurait pas trouvé sur la route une grande résistance, et les lignes d’investissement n’étaient pas très difficiles à rompre. » C’est facile à dire ; malheureusement l’entreprise n’eût pas été aussi facile à réaliser sur le terrain dans les conditions où l’on se trouvait. Le général d’Aurelle, qui était le premier intéressé à compléter sa victoire, s’il l’avait pu, savait bien que ces soldats qui venaient de faire si bonne figure au feu, qui avaient retrouvé l’ardeur et l’entrain de la race française, n’étaient pas cependant encore assez aguerris pour se mesurer avec toutes les difficultés. Il n’ignorait pas que cette armée qu’il avait faite, qui était déjà plus qu’une espérance, manquait de toute sorte de choses nécessaires à une solide organisation, si bien que M. Gambetta lui-même, dans sa visite au camp, disait : « Point de chevaux pour l’artillerie, peu d’approvisionnemens, un mauvais service de bagages. » Le commandant en chef sentait que dès lors engager 70,000 ou 80,000 hommes, — car on n’avait pas encore plus que cela, — dans une offensive aventureuse, c’était les exposer à un désastre et risquer d’un seul coup la dernière ressource militaire de la France.

S’élancer sur la route de Paris, ne fût-ce que pour atteindre les Bavarois dans leur retraite, on ne le pouvait qu’au premier instant, si, comme le dit le général Chanzy, « le commandant en chef avait cru l’armée de la Loire assez complète et assez outillée pour continuer à se porter en avant. » Le premier moment passé, ce n’était plus qu’une périlleuse témérité. On allait rencontrer d’abord le général von der Tann, qui s’était arrêté au-delà de Toury pour se reconstituer, et qui recevait le 10 au matin la 22e division et une division de cavalerie envoyées de Chartres à son secours, — le 12 la 17e division d’infanterie prussienne et deux autres divisions de cavalerie expédiées de Versailles. Toutes ces forces étaient placées non plus sous la direction de von der Tann, dont la défaite