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poste précieux à reconquérir et à occuper ; seulement ce poste n’était pas sans péril. L’armée française, au lieu d’être protégée par la Loire, était désormais adossée à un fleuve, et, si elle venait à éprouver quelque revers, elle risquait d’avoir la retraite la plus difficile, la plus dangereuse ; c’est ce qui allait malheureusement arriver.

Le choix de la direction essentielle et pour le moment unique des opérations avait été sans doute déterminé surtout par des raisons politiques, par la nécessité de couvrir Tours, ce qui importait cependant assez peu, car le gouvernement aurait été peut-être beaucoup mieux ailleurs, par exemple à Clermont, dans ce centre inexpugnable de la France, où il eût été à l’abri de toute atteinte et de toute panique ; mais enfin, puisqu’on avait pris ce chemin, puisqu’on était rentré à Orléans, il n’y avait plus qu’à s’y établir assez fortement pour offrir un front de défense redoutable à l’ennemi, en attendant de pouvoir à son tour marcher sur lui. C’était d’ailleurs l’avis de tout le monde, des chefs militaires, du gouvernement comme des généraux, de M. Gambetta lui-même, qui, dans une conférence tenue le 12 novembre au quartier-général de Villeneuve d’Ingré, aux portes d’Orléans, prétendait que « chaque moment écoulé était autant de gagné sur l’ennemi, » que « nous augmentions nos forces tous les jours, tandis que lui au contraire s’affaiblissait. »

Organiser une sorte de camp retranché, créer des lignes de défense suffisantes, augmenter pendant ce temps l’armée d’opération, c’était donc là pour le moment la première pensée. Seulement il y avait moins que jamais une heure à perdre, et en effet on se mettait à l’œuvre aussitôt. Sans être une brillante position militaire, Orléans a comme un boulevard naturel dans sa forêt, qui s’étend à l’est et au nord-est vers Gien et Pithiviers. L’ensemble de la défense, aux yeux du général d’Aurelle, devait être basé sur une forte occupation de la forêt, puis sur une ligne de retranchemens et de batteries qui serait précédée elle-même d’une autre ligne d’avant-postes fortifiés de manière à retarder autant que possible la marche de l’ennemi. Ces travaux devaient être exécutés au plus vite. Sans perdre un instant, on réunissait à Orléans des ingénieurs, des ouvriers ; on allait même jusqu’à réquisitionner des outils dans cinq départemens voisins. On faisait venir des ports militaires tout le matériel d’artillerie, toutes les pièces de marine dont on pouvait disposer, avec le personnel nécessaire, et on appelait au commandement de ce service de la marine à terre le capitaine de vaisseau Ribourt. On ne créa pas ainsi peut-être « une des plus fortes positions qu’une armée pût avoir à défendre, » comme le dit M. de Freycinet ; mais en quelques jours on établit aux abords d’Orléans,