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rétablir la vérité historique à l’endroit du pontife qui avait illustré son couvent[1]. L’œuvre qu’il se proposait fut imparfaitement accomplie, car le livre, bien qu’estimable et curieux, a été peu répandu[2]. D’ailleurs Tempesti s’est plus occupé de frà Felice Peretti ou du cardinal de Montalte que du pape Sixte-Quint considéré comme personnage politique ; et, si les cinq années du pontificat célèbre ont arrêté son attention sérieuse, c’est plus au point de vue du gouvernement intérieur des états pontificaux qu’au point de vue des relations extérieures du chef suprême de la catholicité. Pour ces quelques années si fécondes en grands événemens, les documens diplomatiques n’ont été communiqués qu’en petit nombre à Tempesti ; il en a même imprimé d’apocryphes[3].

L’honneur d’avoir mis à cet égard l’Europe savante sur la voie des informations véritables appartient à M. Léopold Ranke. Dès l’année 1829, l’habile professeur de Berlin avait obtenu du gouvernement autrichien l’entrée des archives de Venise, jusqu’alors hermétiquement fermée au public, et même aux savans les mieux recommandés, et il y obtint la communication des relations et dépêches des ambassadeurs de la seigneurie auprès des diverses cours de l’Europe, pendant les XVIe et XVIIe siècles. Grâce à l’exploration de cette source vive, où son esprit éminent appliqua son intelligence pendant deux années environ, M. Ranke put acquérir la notion saine des choses et du caractère politique de Sixte-Quint en particulier, et découvrit le but élevé des négociations diplomatiques de ce dernier avec la France, l’Espagne et la république de Venise. Le premier peut-être, M. Ranke eut le mérite de saisir et de peindre, en quelques traits rapides et bien touchés, la figure originale du pontife. La clarté se fit donc enfin, mais elle n’était pas complète encore. Certaines parties de ce règne remarquable étaient restées dans l’ombre, parties essentielles pourtant, car elles étaient relatives aux affaires de France en général, et aux correspondances politiques échangées entre le grand pape et Philippe II.

A l’époque où M. Ranke écrivit son histoire des papes des XVIe et XVIIe siècles, les fameuses archives de Simancas, contenant entre autres trésors les correspondances des ambassadeurs de Philippe II, n’avaient point encore été livrées aux libres recherches des histo-

  1. Voyez la Storia della vita e geste dl Sisto Quinto, da Casim. Tempesti. Rome 1754, 2 vol. in-4o.
  2. Nos biographies françaises n’ont pas même conservé le nom de cet auteur, dont l’ouvrage n’a point été inutile à M. Ranke, et qui a été consulté utilement par d’autres historiens.
  3. Par exemple, les instructions de Sixte-Quint au légat Gaetani, relativement aux affaires de France, après la mort de Henri III.