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ment de travail, qui n’était point d’ailleurs d’un emploi facile de leur temps, et dont l’usage aujourd’hui même est entravé par d’inévitables difficultés, du moins pour certaines périodes et pour certaines affaires. Ni Hume, ni Robertson, n’avaient disposé de pareils matériaux, à plus forte raison l’école médiocre des historiens français de cette époque. M. de Hübner comptera parmi les contemporains qui en ont fait le plus large profit.

Au risque de lui donner un regret, je signalerai pourtant à M. de Hübner un dépôt auquel il ne semble pas avoir puisé. Il est venu fouiller dans les manuscrits de notre grande bibliothèque et il y a fait, comme naguère M. Ranke, d’utiles trouvailles; mais dans nos archives nationales, où abondent tant de richesses, se trouve le dépôt de la correspondance ouverte par l’ambassadeur d’Espagne à Paris, au temps de la ligue, soit avec les Guises, soit avec Phi- lippe II; M. Gachard a raconté l’origine de ce dépôt particulier, dans la notice sur les archives de Simancas qui précède sa Correspondance de Philippe II, et je crois inutile de la rappeler ici[1]. Ce que je puis ajouter, c’est que M. de Croze, en un livre auquel il a été rendu trop peu de justice[2], en a extrait des fragmens très curieux qu’on regrette de ne pas trouver en plus grande abondance encore : M. de Hübner aurait pu y glaner quelques détails piquans. Bien qu’en général les pièces contenues dans cette section de nos archives soient étrangères aux relations de Sixte-Quint soit avec la France, soit avec l’Espagne, elles font mieux connaître la ligue et les Guises, qui ont tant occupé le grand pape et qui tiennent tant de place dans l’histoire de son pontificat.

La base sur laquelle M. de Hübner a établi son histoire est donc tout ensemble neuve et solide. L’œuvre entière en reçoit une couleur qui lui est propre, et qui marque son rang parmi les compositions sérieuses de l’époque. Une variété remarquable de style et de pinceau recommande même l’écrivain, qui, quoique étranger, manie notre langue avec un talent souple et délicat. Il y a plusieurs personnages en effet dans Sixte-Quint. Il y a le souverain temporel qui, à son avènement, trouve les affaires de son état dans une situation déplorable, au point de vue des finances et de la police de sûreté. Sixte-Quint eut le mérite d’y remédier en peu de temps avec cette supériorité de main qui n’appartient qu’à un grand maître. Le prompt rétablissement de la sécurité obtenu pour les états ro-

  1. Voyez le tome premier de M. Gachard, p. 36 et suiv. — Ce fonds est aujourd’hui classé dans nos archives nationales sous la rubrique Négociations ; histoire étrangère, K (B, 56-64).
  2. Les Guises, les Valois et Philippe II, par M. J. de Croze. Paris 1866, 2 vol. in-8o. — Voyez les Append. qui terminent chaque volume. La correspondance en question y est indiquée sous le nom de Fonds espagnol de nos archives.