partie bleu et rouge, et il y a plus d’un point de ressemblance entre ce chaperon, offert au duc de Normandie par Étienne Marcel, et la cocarde tricolore présentée au roi Louis XVI par le général Lafayette en 1789.
Comment ces deux couleurs premières de la France, le bleu de la chape de saint Martin et le rouge de l’oriflamme de Saint-Denis, ont-elles été peu à peu remplacées par la couleur blanche ? Cela s’est fait naturellement, et l’on pourrait presque dire sans parti-pris, car il y avait sous l’ancien régime nombre de drapeaux différens. De tout temps et dans tous les pays, la couleur blanche a été le signe du commandement. Louis XIV, ayant détruit les fonctions de colonels-généraux des différentes armes qui possédaient la cornette blanche, eut seul droit à cette cornette, le signe du commandement devint le signe du pouvoir royal, et par suite le drapeau blanc prima tous les autres.
Bien que le drapeau tricolore signifiât pour les premiers qui l’ont arboré l’union du roi et de la révolution, il ne fut pas dès l’origine plus exclusif de tout autre emblème que ne l’avait été le drapeau blanc à la fin de l’ancien régime. On possède l’image des drapeaux particuliers de chacun des quatre-vingt-dix bataillons de la garde nationale de Paris qui figurèrent à la fédération. Il est peu de ces drapeaux qui réunissent les trois couleurs, et il n’en est aucun qui soit tricolore à la manière actuelle. Le célèbre drapeau de la 12e demi-brigade, dont se saisit le général Bonaparte à l’attaque du pont d’Arcole, n’était guère plus tricolore que l’Union-Jack anglais, et le drapeau de la 5e demi-brigade, porté par Augereau, était à fond blanc, avec des ornemens républicains. C’est donc la légende, et la légende seule, qui a donné au drapeau blanc et au drapeau tricolore leur importance politique.
Est-il entré quelque malice dans cette exhumation d’une foule de drapeaux français de toutes formes et de toutes couleurs, dont le comte Louis de Bouille rappelle le souvenir ? Nous inclinons à le penser, bien qu’il ait pris le soin de ne pas le dire. Évidemment il ne prétend pas que le blanc soit devenu à tout jamais une couleur protestante, parce que le corps-franc de M. de Mouy marchait sous une bannière blanche portant au centre la marmite du pape renversée, et il n’a pas vu dans le rouge de la commune un hommage rendu à la couleur de l’oriflamme. Les emblèmes ne valent que par le sens qu’on y attache. À l’heure qu’il est, en dépit de l’histoire, le drapeau blanc signifie ancien régime, et le drapeau tricolore France moderne. Toutefois il est curieux de savoir que le bleu est la plus vieille de toutes les couleurs nationales, la couleur de la chape de saint Martin. Si l’histoire devait remplacer la politique, l’ancienneté primerait toutes les autres considérations et a droit à la préséance.
J. DE LATERYRIE.
Le directeur-gérant, C. BULOZ.