Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/599

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siéger Perpignan, elle livra aux Espagnols le secret des opérations militaires, et l’expédition fut manquée. En 1544, elle fit tomber entre leurs mains, par de faux ordres, Saint-Dizier, que le comte de Sancerre défendait vaillamment, vendit à Charles-Quint les magasins de l’armée française amassés à Château-Thierry et à Épernay, lui ouvrit la route de Paris, et consomma ses trahisons en négociant le traité de Crespy, qui donna d’un seul coup à l’Espagne vingt places importantes.

Diane de Poitiers, reine de fait par l’avènement de Henri II, ne pactisa point avec l’étranger, mais elle se fit la complice et l’esclave de l’ambition des Guises : corum libidini ancillabatur, dit De Thou. Elle provoqua par ses tendances intolérantes et l’élévation du cardinal de Lorraine une violente réaction catholique qui prépara l’explosion des guerres civiles. Henri II s’était complètement effacé devant elle, et, tandis que les poètes de cour célébraient sa piété et sa chasteté, d’autres, mieux inspirés, rimaient cette verte épigramme :

Sire, si vous laissez, comme Charles[1] désire,
Comme Diane veut, par trop vous gouverner,
Fonder, pétrir, mollir, refondre, retourner,
Sire, vous n’Êtes plus, vous n’êtes plus que cire.


Les favorites sous Charles IX s’éclipsèrent devant Catherine de Médicis, et sous Henri III devant les mignons; mais les nombreuses faiblesses de Henri IV leur rendirent une certaine importance, et, sans exercer comme sous quelques-uns des précédens règnes une action décisive sur la politique, elles firent encore sentir leur influence par des dilapidations dans le trésor public et des actes compromettans pour la paix du royaume.

Subjugué par l’ascendant de Gabrielle, Henri IV reconnut ses enfans, et, quoiqu’il n’eût rien stipulé en leur faveur au sujet de la succession à la couronne, il n’en porta pas moins une grave atteinte au droit monarchique, qui était sorti victorieux et affirmé des troubles de la ligue. Une nouvelle famille de prétendans fut greffée sur la souche royale, et le fils aîné de Gabrielle, César, duc de Vendôme, dit César monsieur, ne justifia que trop, sous le règne de Louis XIII, les appréhensions manifestées par Sully. Marié à la fille du duc de Mercœur, qui lui céda, comme présent de noces, le gouvernement de la Bretagne, il essaya de soulever cette province et de s’y rendre indépendant, conspira contre Richelieu, et fut même accusé, en 1641, d’avoir tenté de l’empoisonner.

Henriette d’Entragues, qui remplaça Gabrielle, voulut comme elle

  1. Le cardinal Charles de Lorraine.