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sept ans[1]. Mme de Pompadour a le sentiment profond des dangers qui menacent la monarchie, comme le prouve sa conversation avec le président de Mainières, et, pour obtenir quelques flatteries des hommes qui règnent sur l’opinion publique, elle couvre de son appui ceux qui précipitent la marche de la révolution, les physiocrates et les philosophes, Quesnay, Voltaire et le marquis de Mirabeau. Mme Du Barry, qui avait tous les vices de Mme de Pompadour sans avoir aucune des grâces de son esprit, fait subir à Louis XV une domination plus honteuse et plus funeste encore. Elle obtient le renvoi de Choiseul, le plus habile ministre du règne, pour appeler au pouvoir les hommes les plus indignes de l’exercer : Maupeou, d’Aiguillon et Terray, que Mirabeau appelait un monstre. La banqueroute, le vol, le trafic des emplois, les coups d’état contre l’antique justice du royaume, l’exil des parlemens de Paris et de Rouen, signalent ce ministère déshonoré par son origine. D’Aiguillon, portant dans la diplomatie la lâcheté qu’il avait montrée au combat de Saint-Cast, favorise le développement de la puissance russe, et Louis XV, anéanti par l’ascendant de la femme qui offre à sa dépravation sénile l’attrait d’une expérience trop raffinée, voit s’accomplir, en le déplorant, le premier partage de la Pologne.


III.

Les faits que nous venons de rappeler n’apparaissent pas dans les histoires générales avec toute leur gravité et toutes leurs conséquences, parce qu’ils se perdent dans le drame des événemens; mais, lorsqu’on les suit l’un après l’autre en les dégageant des incidens étrangers, on reste frappé d’un étonnement douloureux en voyant à quels tristes hasards les reines apocryphes ont livré la monarchie dans les derniers siècles de son existence; elles ont pour ainsi dire mis la main à tous nos désastres et tout avili autour d’elles, l’église, la cour et la nation.

Les papes, qui dans le moyen âge avaient excommunié les rois au moindre scandale public, ne protestèrent jamais, sous les Valois ni les Bourbons, contre le scandale des favorites; ils se rappelaient que, sous Henry VIII, l’Angleterre et le saint-siège avaient été brouillés par les femmes, et, pour retenir les rois de France dans le catholicisme, ils leur accordaient indulgence plénière et tenaient comme eux la cérémonie du sacre pour une sorte d’absolution préventive qui leur permettait de pécher tout à leur aise. Les confesseurs ne pouvaient se montrer plus sévères que les papes. Un seul d’entre

  1. Voyez l’étude publiée dans la Revue par M. Louis de Carné sur le Gouvernement de Mme de Pompadour, livraison du 15 janvier 1859.