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et de Zara devaient s’entendre entre elles. En moins de vingt ans, le changement a été accompli; le parti italien a rendu les armes; de vieux nobles, qui en avaient soutenu le plus ardemment toutes les idées, se mettent à apprendre la langue serbo-croate; le clergé ne fait plus d’opposition à la propagande slave. Cette révolution, toute pacifique était inévitable; bien qu’il lui reste beaucoup à faire, on peut dire que le succès en est aujourd’hui assuré.

Il faut distinguer dans le programme des Slaves du sud les idées simples, pratiques, qui peuvent être réalisées demain» les aspirations plus générales et par suite plus incertaines. Ce qui est simple, c’est le désir qu’ont ces peuples d’avoir une culture nationale, de s’affranchir de l’influence, des mœurs de leurs voisins, d’être eux-mêmes enfin; les Croates, les Slaves, les Dalmates peuvent poursuivre ce progrès sans rompre le lien qui les unit à l’empire. Quant à ce rêve populaire d’une union de toutes les fractions de la race dispersées au sud du Danube, il est encore bien nouveau, et ici les objections sont nombreuses. Les Slaves du sud sont divisés en groupes qui ne peuvent se fondre en un grand état sans de graves complications politiques. La Serbie et le Monténégro, qui ont conquis leur indépendance, ne comprennent cette réunion qu’à leur profit. Sur les bords du Danube comme dans la Montagne-Noire, ces peuples ne sont pas disposés à perdre leur autonomie. Ils font chacun de leur côté une propagande active;, ils ne sont pas des adversaires, ils ne sauraient être des alliés à toute épreuve. Les Croates et les Slavons trouvent en face d’eux les Hongrois. Les Magyars, il est vrai, ne sont qu’au nombre de 4 millions; mais leur activité, leur esprit d’entreprise, leur persistance leur ont acquis dans la monarchie autrichienne mie position unique. Ils combattent les aspirations des Croates avec une énergie que lien ne lasse. La formation d’un état qui grouperait la plus grande partie des Slaves du sud serait sinon la destruction de la puissance hongroise, du moins la fin de son hégémonie. Ce peuple, qui a vécu de l’idée de nationalité et d’indépendance, n’admet pas que ses sujets slaves prennent modèle sur lui. On sait les luttes de la diète d’Agram et du gouvernement de Pesth, la prise de possession par les Hongrois de Fiume, mesure qui prive le pays de sa plus sûre richesse, ces continuelles dissolutions des assemblées croates qui ne se réunissent que pour se séparer, de sorte que le pays ne vote pas l’impôt et doit abandonner toutes ses affaires provinciales à ses maîtres.

Les Bulgares créeraient de grandes difficultés aux Slaves du sud, si le projet de les réunira leurs frères de même race pouvait être poursuivi en ce moment avec quelque espérance de succès. Ce peuple placide et barbare sort à peine d’un sommeil de dix siècles. Il ne peut