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Slaves du sud ont retrouvé leur histoire. Elle est pour eux, comme pour nous, un enseignement que nous ne pouvons négliger.

Les vastes provinces qu’occupent les Bosniaques, les Croates, les Serbes n’ont jamais été romanisées. Il n’y eut donc pas dans ces pays dès le Ier siècle une civilisation profonde qui pût laisser après elle des élémens de progrès, transformer le conquérant barbare. Les Romains, comme plus tard les Vénitiens, n’occupèrent que la côte ; l’Istrie et la Dalmatie avaient des villes importantes ; la Prévalitane, la Mœsie supérieure, la partie de la Pannonie inférieure qui ne touchait pas au Danube, étaient livrées à des tribus sauvages. La voie Gabinienne allait de la mer Adriatique au Danube ; elle assurait la marche rapide des légions ; on n’y rencontrait que des postes militaires et non des villes. Les montagnes de Bosnie et de Raschie n’ont pas été explorées scientifiquement par les antiquaires ; on n’y trouvera, tout porte à le croire, que peu de restes du passé. En Croatie, les savans d’Agram. ne copient guère que quelques inscriptions barbares ou dessinent des bas-reliefs qui révèlent un art enfantin ; on sait le peu de textes épigraphiques qu’on recueille en Serbie dès qu’on s’éloigne du Danube. C’est au VIIe siècle seulement que les Croates et les Serbes arrivent dans ces régions. À cette date, il y a deux cents années déjà que les Francs sont établis dans la Gaule. Les Slaves ne trouvent pas, comme les tribus qui franchissent le Rhin, des peuples déjà chrétiens, ils entrent barbares dans un pays barbare que les Goths, les Hérules, les Avares, les Huns viennent de ravager. Ils sont du reste trop loin de l’influence du romanisme. Les missionnaires qui convertissent les Saxons ne viennent pas jusqu’à la Save. Quant au IXe siècle saint Cyrille et saint Méthode pénètrent chez les Slaves, ils arrivent d’Orient ; ce sera l’église grecque qui convertira ces envahisseurs. Le moine de l’Athos n’a pas, comme un Boniface ou un Coloman, l’énergie d’une race jeune portant dans l’apostolat le courage que ses ancêtres dépensaient sur les champs de bataille, avide d’action, de dévoûment, d’héroïsme. La foi qu’il enseigne, formaliste et étroite, est à peine un principe de vie nouvelle. Byzance a donné le christianisme à bien des peuples, quelle civilisation a-t-elle fait naître de la barbarie ? La religion des Slaves, surtout dans les montagnes, resta toujours si incertaine que, sur un ordre d’un pacha au XVe siècle, des milliers de Bosniaques et de Bulgares se firent musulmans. Rien ne montre mieux ce que valaient ces conversions byzantines. Privés des secours qu’avaient trouvés presque tous les conquérans de l’Europe, les Croates et les Serbes furent de