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LA
DÉLIA DE TIBULLE

O Richter, Delia, ein Beitrag zur Lebensgeschichte Tibull’s. (Rheinisches Museum für Philologie. N. F. XXV, 518-527. Frankfurt a. M. 1870.)

Le souvenir que les belles âmes laissent après elles sur la terre s’évanouirait tôt ou tard, si la piété de l’historien n’aimait à recueillir jusqu’aux moindres reliques de ceux que l’humanité acclame comme ses héros et dans lesquels elle contemple l’idéal de sa propre nature. Le plus pur, le plus tendre, le plus sympathique des poètes, le doux Tibulle, ne nous est connu que par ses poèmes et par quelques vers d’Horace et d’Ovide. Celui-ci n’était guère fait pour comprendre cette âme simple et candide, et celui-là n’avait point l’idée de cette exquise sensibilité, déjà un peu maladive, qui fait de Tibulle, comme de Virgile, un poète presque tout moderne. Certes ils sont bien tous deux de notre sang et de notre race. Notre langue est comme un écho affaibli de l’idiome fort et sonore dans lequel ils chantèrent, et jusqu’au plus profond de notre conscience retentit et vibre toujours la note aimée que nul n’oublie lorsqu’il l’a une fois entendue.

Même langue, mêmes idées. Cette Italie romaine peut à peine s’appeler une moyenne antiquité; notre civilisation moderne y plonge par toutes ses racines. Cet héritage de Rome, qui fit jadis notre force, fait aujourd’hui en partie notre faiblesse. Notre conception de l’état, notre idée de l’administration, notre façon d’entendre la liberté, nos formules naïves d’égalité, la creuse rhétorique à qui nous décernons les premiers honneurs de l’esprit français, tout, jusqu’à nos codes et à nos méthodes d’enseignement, est un legs de l’antique génie romain. Voilà pourquoi, lorsque nous lisons une