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chose : il faut qu’elles se mettent en campagne, qu’elles poursuivent leur rêve de domination, la France deviendra ce qu’elle pourra !

Que s’est-il donc passé ? Quelle circonstance inattendue, extraordinaire, est venue provoquer ces agitations qui, pour être assez factices, ne sont pas sans péril, ces surexcitations d’un radicalisme qui, ne trouvant rien de mieux à faire, se donne le luxe de l’éloquence des banquets et des voyages à grand fracas ? Est-ce qu’il y aurait eu quelque changement menaçant depuis deux mois ? Aurait-on vu par hasard passer l’ombre d’une conspiration ou d’un coup d’état prêt à supprimer cette république dont M. Thiers a été constitué le gardien ? Nullement, rien n’est changé, la situation est aujourd’hui ce qu’elle était lorsque l’assemblée s’est paisiblement séparée. Les mêmes nécessités, les mêmes devoirs, les mêmes obligations s’imposent à tout le monde. Il y a eu seulement cette fantaisie de turbulence qui vient d’éclater dans la célébration de sinistres anniversaires, dans les banquets et dans les tournées d’inspection révolutionnaire. Les radicaux ont voulu faire parler d’eux ; ils commencent à réussir, ils sont en train de rendre à la république le genre de service qu’ils lui rendent toujours ; ils la compromettent, ils la rendent suspecte, ils réveillent toutes les défiances qu’elle inspire dès qu’elle apparaît, et pour ceux qui gardent leur foi, leur passion, leur dévoûment pour la France seule en refusant de s’asservir aux prétentions exclusives des partis contraires, ce qui se passe depuis quelque temps est en vérité un spectacle assez étrange. Depuis plus d’un an déjà, tous les esprits désintéressés ont demandé qu’on s’occupât avant tout du pays, de ses intérêts les plus pressans, de sa libération, de sa réorganisation, en laissant au temps, à la raison publique le soin de décider de la constitution définitive de la France, de sanctionner ou de réformer la situation qui a été créée par des circonstances douloureusement exceptionnelles, peut-être uniques dans l’histoire. Les partis exclusifs et extrêmes n’ont cessé de faire tout ce qu’ils ont pu pour entraver cette œuvre de nécessité patriotique, sous prétexte que la première de toutes les conditions était de trancher la question essentielle, dominante, celle du gouvernement définitif du pays. Ils se sont livré les batailles les plus passionnées, ils se sont disputé la France comme une proie pour la donner à la république ou à la monarchie. Qu’est-il arrivé ? C’est ici que commence cet instructif et curieux spectacle des prétentions exclusives des partis essayant vainement de changer à leur profit une situation où la France s’est réfugiée après la tempête.

Disons les choses comme elles sont. Ceux qui ont contribué le plus peut-être depuis un an à faire vivre la république, ce sont les monarchistes eux-mêmes par leurs divisions, par l’incohérence de leurs idées et de leurs efforts, par l’impossibilité de s’entendre sur une monarchie