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temporel une puissance qui n’est instituée que pour le spirituel, et par conséquent incapables de lier les évêques et les autres catholiques de France[1]. Les évêques avaient d’autant plus de mérite, à cette occasion, que le pape Grégoire XIV avait accepté le titre de protecteur de la France, que le duc de Mayenne lui avait fait décerner par le conseil général de la ligue. M. de Gondy, archevêque de Paris, fut obligé de quitter son siège pour sauver sa vie. Le caractère éminemment national de l’église de France a été la principale cause de son influence, parce qu’elle y a trouvé, avec l’indépendance, la force, la confiance et la popularité. Tel avait été le résultat de l’admirable police religieuse qui gouverna ce royaume pendant tant de siècles et qui est en péril de disparaître aujourd’hui au grand dommage de l’état, des populations et de l’église elle-même. Le désaveu du passé de l’église de France est un des signes les plus affligeans des calamités publiques de notre siècle. M. de Hübner n’a pas fait ressortir peut-être avec assez d’éclat l’esprit public de la haute église de France au milieu des luttes du XVIe siècle. Il est évident que ce caractère national du droit public ecclésiastique français a sauvé le catholicisme dans notre pays. La pensée constante de la chancellerie romaine s’est appliquée à la destruction des nationalités de ce genre. Elle a échoué par rapport à la France, au XVIe et au XVIIe siècle. Elle y a réussi au XIXe et l’on ne peut prévoir les conséquences qui en adviendront. Sixte-Quint a eu sur ce point quelques dissentimens avec Philippe II, qui s’est montré jaloux lui-même de conserver à l’église espagnole son caractère propre et national. Il y a sur ce sujet une dépêche intéressante de Philippe II à Olivarès[2].

Mais, si quelque jour s’ouvrait au règlement intérieur des affaires de France par l’influence de la magistrature, de l’épiscopat et du parti politique, un obstacle insurmontable paraissait s’élever du côté de Paris et des grandes villes dominées par la démocratie de la ligue et violemment hostiles à tout accommodement, à toute transaction, sur le point de la transmission de la couronne au roi de Navarre. La population de Paris était fort mobile à cause de l’affluence des étrangers et ouvriers de tout genre, tantôt considérable et tantôt réduite, selon les circonstances; nombre infini d’hôtelleries, auberges ou maisons meublées y étaient toujours ouvertes. C’était alors comme aujourd’hui une des plus grandes villes connues du monde. Sigismond disait que Paris était non pas une ville, mais un monde, et Charles-Quint, interrogé sur la plus grande ville de France, répondit que c’était Rouen, car Paris, dit-il, est un pays entier. Et

  1. Voyez l’Art de vérifier les dates des bénédictins, édit. citée, t. ler, p. 340.
  2. Voyez Hübner, Sixte-Quint, t. III, p. 33.