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pays, ils recouvraient les avantages du droit commun dans tel autre. Les catholiques surtout se déclaraient sacrifiés; à Duderstadt par exemple, on avait donné la plus grande église aux protestans. Il est possible que, dans la ferveur nouvelle des principes de tolérance, on ait pris plaisir à renverser en quelques localités les anciens rapports entre les diverses religions; il est difficile de croire pourtant que ce soient les catholiques, sous un roi catholique, à une époque où Napoléon affectait de protéger les catholiques à Dantzig et en Saxe, qui aient été le plus à plaindre. Le seul grief bien fondé de leur clergé, c’est l’âpreté avec laquelle Jérôme, moins par principe révolutionnaire que par besoin d’argent, poursuivit la clôture et la vente des couvons. Les religieuses expulsées ne recevaient qu’une pension de 200 francs; le Juif Jacobson honora sa religion et ses principes libéraux en y ajoutant une rente viagère de 100 francs.

La haute police, qui aurait dû être dans les attributions du ministère de la justice, en était au contraire entièrement indépendante. Elle avait pour chef Legras de Bercagny, qui portait le titre de secrétaire des commandemens. « M. Bercagny, écrivait Reinhard, est un homme très actif et très intelligent; il serait à désirer seulement qu’il sût l’allemand : une traduction de propos, de lettres, de livres, de mœurs et d’usages fait disparaître le coloris, et en matière de police le coloris fait beaucoup. » Les employés supérieurs de ce service laissaient également à désirer sous ce rapport : la police, privée en quelque sorte de moyens sûrs et directs d’informations, en devenait à la fois plus impuissante et plus tracassière. La violation du secret des correspondances faisait qu’on n’osait plus confier de lettres à la poste westphalienne. Les perquisitions intempestives ou maladroites, l’espionnage dans les promenades, la corruption par la police des domestiques de grande maison, étaient des moyens bas et vexatoires qui ne pouvaient pas suppléer à une vraie connaissance de l’esprit public. Les agens de bas étage ne manquaient pas, surtout parmi les Allemands; dans le roman de Kœnig, on met en scène Bercagny lui-même, qui refuse d’employer des Français. « Les Allemands, lui fait-on dire, sont plus empressés à dénoncer, à découvrir, à trahir les secrets; si je puis m’exprimer ainsi, ils rapportent mieux. » Tout cela ne constituait pas une bonne police. Bercagny pouvait communiquer au roi, tous les matins, beaucoup de commérages, d’histoires scandaleuses et de bruits de ville; mais Napoléon avait raison de trouver « qu’il y avait peu de police dans le royaume, » et qu’impunément « les agens des princes s’y agitaient de toutes manières. » Le ministre de France estimait donc que cette institution était plus nuisible qu’utile, et que son budget de 200,000 francs était dépensé en pure perte. « Il