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Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/1008

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à elle-même que la scène qui avait eu lieu avait un caractère plus personnel que politique, et elle a fini par se borner à une motion qui, en blâmant la sortie de M. Czernatony, proposait une révision du règlement de la chambre pour empêcher le renouvellement de scandales qui nuisaient à la dignité parlementaire. Si modeste que fût la satisfaction, le président du conseil s’en contentait encore. Dans l’intervalle cependant, la gauche, continuant cette lutte, apportait de son côté une motion demandant le dépôt de tous les traités et contrats passés par le gouvernement depuis cinq ans. L’intention ne pouvait être douteuse. La majorité repoussait aussitôt cette proposition, mais en évitant encore une fois de donner au comte Lonyay un témoignage direct de confiance.

C’était la veille du jour où devait être discutée la proposition de révision du règlement qui blâmait M. Czernatony. Ce jour-là, le plus singulier coup de théâtre s’est produit. Au lieu de nouveaux combats, il n’y a eu que des paroles de paix. La gauche s’est déclarée prête à se rallier à la révision du règlement, si on supprimait le blâme de M. Czernatony et si on voulait rester dans les termes d’une loi de 1848 qui renvoie à la fin des périodes législatives toute modification dans le règlement. M. Czernatony lui-même s’est excusé devant la chambre des violences injurieuses auxquelles il s’était livré. La majorité à son tour n’a pas cru devoir se refuser aux concessions que la gauche réclamait. Le comte Lonyay a fait bonne contenance ; il s’est contenté de l’acte de résipiscence de M. Czernatony, il a demandé lui-même qu’on ne donnât pas suite au blâme proposé contre le député qui l’avait outragé et qui rétractait ses injures. La paix était complète, seulement il devenait assez clair que c’était le président du conseil qui payait les frais de ce raccommodement universel. Il avait été l’objet de l’accusation la plus insultante de la part de ses adversaires, il n’avait été soutenu que d’une manière équivoque par son parti, et il sortait de cette échauffourée avec une satisfaction personnelle à la vérité, mais sans avoir reçu un de ces témoignages décisifs de confiance qui raffermissent un chef de gouvernement. Sa situation parlementaire se trouvait amoindrie, et, par une fatalité de plus, il était à ce moment engagé dans une sorte de conflit avec l’archiduc Joseph, commandant des honveds. Il n’est pas même bien sûr qu’il eût dans le cabinet le cordial concours de ses collègues. Le comte Lonyay a parfaitement vu ce qu’il y aurait pour lui de délicat et de difficile à rester au pouvoir dans de telles conditions, et il a offert immédiatement sa démission à l’empereur. Il s’est retiré sous sa tente, non sans ressentir la blessure qu’on venait de lui faire. Les autres ministres, qui avaient aussi offert leur démission avec le président du conseil, ont été maintenus, et l’un d’eux, le ministre du commerce, M. Szlavy, a été chargé de la présidence du nouveau cabinet. Le comte Lonyay est resté sur le terrain dans cette mêlée de quelques jours ; mais voici aussitôt un nouveau changement de scène.