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le relève ; il mêle la folie et la raison, la trivialité et l’idéal, et tout en disant : telle est la vie, il nous laisse voir du moins que le bien y domine, que le don de remarquer ces défaillances et même toutes ces laideurs ne l’entraîne pas au découragement, il nous enseigne que la vraie philosophie est d’être bon et sensé.

L’éditeur, M. Louis Moland, ne s’adresse pas aux érudits ; il s’applique à donner le texte qui peut le mieux faire comprendre l’auteur ; il a restitué toutes les suppressions que le romancier avait faites par condescendance pour l’autorité royale ou pour l’église. La biographie de Rabelais, placée en tête de l’ouvrage, a le mérite de dire comment s’est formée la légende du conteur, de montrer ce qu’elle vaut, de nous peindre l’historien de Panurge tel qu’il fat, savant de mérite, prêtre dont la vie ne choquait pas ceux qui l’entouraient, ami de personnages illustres, voyageur infatigable, philosophe à ses heures, caractère très particulier, moins préoccupé de faire une œuvre mystérieuse et profonde, un pamphlet, ou des théories politiques, que d’écrire, selon l’inspiration du moment et pour s’égayer lui-même, un roman qui ût beaucoup rire et qui fit quelquefois penser.




Vie militaire et religieuse du moyen âge, par M. Paul Lacroix, 1 vol. in-folio. Firmin Didot.


Ce n’est pas seulement une œuvre de luxe et d’un luxe élevé que ce livre sur le moyen âge, où nous retrouvons les miniatures des plus beaux manuscrits, une riche variété de tableaux, de scènes de mœurs, de costumes, des bijoux, des broderies, des enluminures, les chefs-d’œuvre de l’art décoratif au XIIIe siècle, et la reproduction fidèle des monumens d’architecture, c’est encore et surtout un livre de haut enseignement. Il ne faut pas que l’agrément et la distinction des planches, que le plaisir de visiter cette belle galerie nous fasse illusion. En regardant toutes ces illustrations, nous buvons le moyen âge, comme Mme de Sévigné buvait Nicole ; nous nous en pénétrons, nous le faisons nôtre, nous nous croyons au milieu de ses mœurs et de ses usages, dans ses églises et dans ses tournois, dans la société des chevaliers et dans celle des dames. Est-il besoin de remarquer que, si ce livre a ces qualités, il les doit au soin avec lequel les gravures et les bois ont été choisis, au mérite de l’exécution, au talent de MM. Kellerhoven, Régamey et Allard, — que le texte, toujours très simple, mais toujours aussi au courant du progrès de la science, est le seul commentaire qui convenait à une pareille œuvre ?


C. BULOZ.