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empire ne peut négliger. Ce n’est pas seulement de l’administration financière des diocèses que s’occupe le saint-siège, les évêques relèvent directement de lui. La propagande de Rome est un véritable ministère auquel le travail ne manque pas. Tout ce qui en Europe est réglé ou par l’état ou par des évêques instruits, capables de décider les difficultés les plus sérieuses, lui est soumis par les prélats albanais. Il est trop évident que ces missions abandonnées à elles-mêmes ne pourraient remplir leur tâche. C’est Rome aussi qui ouvre aux candidats ecclésiastiques ses propres séminaires, qui imprime les catéchismes, les livres de discipline. Le cardinal directeur de la propagande, Mgr Barnabo, est en réalité le véritable chef ecclésiastique de l’Albanie chrétienne ; peu de personnes connaissent mieux que lui cette province, où il n’est jamais venu.

L’état de ces missions est loin d’être florissant. L’esprit en est tout italien ; des franciscains les dirigent de concert avec des prêtres indigènes. A la fin de 1871, cinq des évêques ou archevêques étaient Italiens, le sixième Polonais ; les religieux venaient des couvens de Rome et surtout des provinces napolitaines. Soit manque d’argent, soit faute d’activité, on peut dire que l’instruction donnée aux enfans est à peu près nulle. Dans le diocèse d’Alessio, sur 17,000 habitans, 50 seulement savent lire, 10 signer leur nom. A la différence des lazaristes français, les franciscains se préoccupent très peu de l’éducation ; pourvu qu’ils administrent les sacremens, qu’ils en montrent la nécessité, ils croient leur tâche accomplie. L’Italie n’a pas de sœurs de charité, d’ordre qui se consacre à l’éducation des filles. La religion qu’enseignent ces moines est celle qu’on donne au peuple de Naples ; encore, si imparfaite qu’elle soit, s’adresse-t-elle à des esprits trop grossiers pour la comprendre. Le contraste est grand entre ces missions et celles que la France possède dans tout l’Orient ; les jésuites et les lazaristes en Égypte, en Syrie, en Asie-Mineure, à Constantinople, ont des écoles où viennent les enfans de toutes les religions ; cet enseignement pratique et vraiment utile s’est développé au point que des institutions comme celles d’Anthoura et de Ghazir dans le Liban suivent les programmes de nos collèges. Les jeunes Syriens y font des dissertations françaises en très bon style ; leurs maîtres vont plus loin, ils exigent des élèves distingués dès discours et des vers latins.

Le clergé catholique albanais est digne de toute pitié ; si on excepte quelques évêques, l’ignorance est partout complète : le moine franciscain jeté au milieu de ces montagnards perd bientôt l’espoir d’exercer sur eux une véritable influence, si tant est qu’une telle ambition ait jamais tenu grande place, dans ses pensées ; il s’organise le moins mal possible, cherche à s’assurer quelques redevances et