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qui avaient eu la maladresse de leur laisser le beau rôle, soit comme défenseurs de l’ordre, soit comme soldats de la liberté. Depuis dix-huit mois au contraire, les griefs sérieux leur manquent, et les anciens partis ne savent plus à quoi s’employer. L’opinion publique s’éloigne d’eux ; leurs rangs s’éclaircissent, leurs vieux cadres se brisent sous l’empire des circonstances nouvelles ; s’ils veulent échapper à la destruction, il faut qu’ils se résignent à changer de visage et à rompre avec tout leur passé. Les uns se décident, et font le sacrifice qu’on leur demande ; les autres gardent une neutralité expectante et malveillante ; la plupart se vengent de leur impuissance en accablant le gouvernement d’invectives. Depuis le parti légitimiste jusqu’au parti radical, tous se sentent plus ou moins dépaysés par les événemens ; ils se débattent entre leurs traditions et leurs intérêts, entre leurs passions exclusives et l’esprit de conciliation patriotique dont nos infortunes nationales leur font un devoir dans le moment présent. C’est de ce travail de l’esprit public que dépend aujourd’hui l’avenir de la France ; les partis sortiront de cette crise anéantis ou régénérés.

L’épreuve est certainement pénible pour les hommes convaincus qui n’y sont pas préparés, et qui voient s’abîmer dans l’indifférence et l’oubli public les affections, les espérances, les illusions de toute leur vie. Autant que possible, il faut s’abstenir d’insulter à leur douleur et de tourner en ridicule les protestations éplorées qu’ils envoient à tous les échos ; il ne faut même pas s’irriter outre mesure de leurs récriminations ou de leurs menaces. Laissons-leur toute liberté de se plaindre, et ne marchandons pas à leur faiblesse cette innocente consolation ; mais rendons en même temps pleine justice à la politique du gouvernement, grâce auquel s’accomplit cette transformation salutaire. C’est lui qui a frappé de mort les anciens partis en ouvrant la république comme un refuge à toutes les opinions honnêtes, et en les obligeant à se ranger autour de lui sous le drapeau national. La dissolution des anciens partis est le complément naturel de la libération du territoire, la condition indispensable du maintien de la paix publique, le seul moyen d’en finir avec les habitudes révolutionnaires. Après avoir délivré le pays des ennemis du dehors, il faut le délivrer aussi des ennemis du dedans. Le gouvernement y travaille, aidé par le bon sens public ; il s’est donné peur tâche, si j’ose ainsi parler, de réorganiser l’opinion publique sur un plan tout nouveau. Il y réussira sans oppression d’aucun genre, par la seule influence du bon exemple, par la seule force de la persuasion, par le seul ascendant du patriotisme.

Dans cette noble et excellente entreprise, la république conservatrice a naturellement pour adversaires les fanatiques de toutes