intimidation brutale, ou bien par ce dangereux tour d’adresse qu’on appelle l’équilibre des partis. La conséquence de cette situation est claire : il faut en finir avec les anciens partis ; il faut déblayer le terrain de tous ces débris inutiles. C’est désormais pour nous une question de vie ou de mort : les anciens partis doivent disparaître, ou la France elle-même périra.
L’empire, dira-t-on, ne tenait pas un autre langage, et ceux qui combattent maintenant les anciens partis figuraient alors parmi leurs défenseurs. — Il faudrait ajouter qu’en ce temps-là les anciens partis étaient opprimés, que d’ailleurs ils avaient eu le bon sens d’oublier leurs divisions pour se ranger tous ensemble sous le drapeau libéral ; ce qui faisait leur mérite, ce n’étaient pas leurs prétentions particulières, c’était la cause commune au service de laquelle ils s’étaient enrôlés. Voilà justement ce qui les rendait odieux à l’empire ; il les aurait voulus divisés, il ne pouvait pas les souffrir unis. Il ne leur défendait pas de se déchirer entre eux, il leur défendait de s’entendre pour protéger les libertés publiques ; il s’efforçait de les mettre aux prises pour les dominer plus facilement. Il ne s’agit donc point à présent d’imiter l’empire ; c’est au contraire par la liberté qu’il faut dissoudre les partis, en essayant de les persuader, et, s’ils refusent de se laisser convertir, en les faisant comparaître devant le pays, pour montrer à tous et l’inanité de leurs entreprises et leur défaut de patriotisme.
Quoi qu’en disent les radicaux ou les réactionnaires de toutes les écoles, ce n’est pas par l’emploi de la force qu’on renouvelle les idées d’une nation, et qu’on affranchit l’opinion publique du joug des vieux partis et des vieilles doctrines. Le despotisme impérial en est la preuve ; l’oppression par laquelle il se flattait de les étouffer n’a servi qu’à les conserver plus longtemps ; En éloignant les anciens partis des affaires publiques, l’empire a pour ainsi dire arrêté leur croissance. Relégués dans le silence, condamnés à l’inaction, privés des moyens de se produire et de se rendre utiles, ils n’ont pu ni modifier leurs opinions, ni se faire des concessions mutuelles, ni pénétrer l’esprit de leur époque et s’accommoder à la société nouvelle. Sauf quelques lutteurs courageux qui combattaient assidûment pour nos libertés, la masse des anciens partis est restée silencieuse sous l’empire ; elle lui a obéi machinalement, sans perdre aucun de ses préjugés, aucune de ses illusions ni aucune de ses haines. Lorsqu’au bout de vingt ans, réveillée par les malheurs de la patrie, elle s’est retrouvée libre, il n’y avait rien de changé en elle. Elle reprenait la vie au point même où elle l’avait quittée la veille de l’avènement de l’empire. Ces vingt ans d’expérience étaient restés stériles pour les partis qui se trouvaient