puisque le conquérant, même couronné, agissait d’après les principes révolutionnaires. Invoquer la légitimité pour soi-même et y porter ailleurs de si terribles atteintes, c’est le spectacle que la Prusse de 1866 a donné à l’Europe monarchique. Et c’est chez elle, c’est à Berlin, c’est entre les mains du roi de Prusse, devenu empereur d’Allemagne, que l’empereur d’Autriche et l’empereur de Russie iraient signer le contrat d’une nouvelle sainte-alliance !
Un journal autrichien, dont je n’ai fait ici que résumer les observations, s’écrie à ce sujet : « Est-ce que l’Autriche et la Russie pourraient jamais prendre part à une telle œuvre, elles que leurs traditions, leurs intérêts, je dis leurs intérêts les plus graves et les plus impérieux, des intérêts de vie ou de mort, obligent à représenter en Europe la politique conservatrice ? La Prusse a créé par la force un établissement d’une telle nouveauté et d’une telle nature qu’elle sera obligée de recourir à de nouvelles conquêtes pour le soutenir. C’est là une conséquence inévitable, et en vérité il suffit de jeter les yeux sur une carte d’Europe pour reconnaître que cette menace s’adresse d’abord, s’adresse principalement à l’Autriche et ensuite à la Russie. Ce n’est pas tout : cette nouvelle sainte-alliance serait en contradiction ouverte avec les principes de religion et de morale que l’ancienne sainte-alliance avait placés si haut, car elle devrait sanctionner les résultats d’une politique de conquête et d’usurpation, politique qui n’a jamais été considérée comme religieuse et morale. La sainte-alliance avait dit : La loi chrétienne sera l’étoile lumineuse qui guidera ma politique. Assurément ce n’était là qu’une phrase, car sous le régime de la sainte-alliance les protestans d’Autriche ne furent pas libres, les catholiques de Prusse subirent comme avant le joug de l’esprit protestant, et aux catholiques comme aux protestans de l’empire russe il ne fut rien accordé de plus que l’ancienne tolérance. Après tout, la sainte-alliance était conséquente avec elle-même ; dans les affaires de l’église comme dans celles de l’état, elle n’admettait aucune innovation, elle maintenait scrupuleusement l’ancien état de choses. Depuis cette époque, des améliorations se sont produites, mais seulement en Autriche, et seulement pour les protestans. Au contraire, en Autriche comme en Prusse, la situation des catholiques est devenue bien pire. Or on vient nous annoncer, on vient nous signifier aujourd’hui que le but principal de l’entrevue de Berlin est d’établir la souveraineté de l’état sur le for intérieur, de constituer la césaropapie, toutes choses contraires à la liberté de conscience et à cette loi du Christ : rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu. »
Le journal ou plutôt le recueil hebdomadaire auquel j’emprunte