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confédération, exclu de l’Allemagne, s’en venait trouver à Berlin ce même roi de Prusse Guillaume Pr, empereur d’Allemagne ! La politique a beau faire fléchir les caractères les plus fermes sous des nécessités impérieuses, l’humanité finit toujours par réclamer ses droits. La Réforme a raison de le dire, une invitation comme celle-là, une invitation faite en de telles circonstances et dans une telle vue a dû être considérée comme une offense. Ce n’est pas l’amitié qui doit sortir de là. L’avenir est donc réservé en ce qui concerne les alliances futures de la monarchie autrichienne.


III

Nous avons parlé de la pensée première de l’entrevue des empereurs ; arrivons à l’entrevue elle-même, je veux dire aux interprétations qu’elle a provoquées, aux intentions qu’en toi prête, aux conséquences qu’on lui attribue.

Un sentiment qui paraît unanime, c’est que le premier résultat de ce congrès impérial sera l’affermissement de la paix européenne ; assurances officielles, assurances officieuses, sont d’accord sur ce point. Les chancelleries ont fait cette promesse au monde, les publicistes les plus autorisés la répètent avec joie. La paix, n’en doutez pas, est assurée pour longtemps. Pas de question qui soit de nature à troubler le repos de l’Europe, pas de difficulté qui ne puisse être écartée par l’union des trois empereurs. Les trois empereurs veulent la paix, ils sauront la maintenir. — Qu’en savez-vous ? répond avec un hardi bon sens le publiciste que nous avons plusieurs fois cité. Les trois empereurs peuvent désirer sincèrement la paix ; ils ne sont pas maîtres des événemens. Les voilà d’accord aujourd’hui ; qui donc leur assure un lendemain pareil ? Est-ce que ces rencontres solennelles de princes souverains sont un gage infaillible de durée pour les bonnes dispositions qu’on y apporte ? Est-ce que l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse n’avaient pas eu de longs entretiens aux bains. de Gastein peu de temps avant la campagne de 1866 ? Est-ce que le roi de Prusse n’avait pas été reçu aux Tuileries trois ans avant la guerre de 1870 ? Il n’y a là aucune espèce de gage. Admettons que les trois empereurs, loyaux et fidèles amis en ce moment, soient animés du plus vif désir de maintenir ces bons rapports ; tel événement imprévu, sans compter ceux qu’on prévoit trop bien, peut tout à coup faire naître pour chacun d’eux des intérêts opposés et à chacun d’eux par conséquent imposer des devoirs contraires. En supposant même que l’amitié personnelle des trois monarques ne dût pas être mise à cette épreuve, n’y a-t-il pas lieu de se demander ce que deviendraient ces rapports d’amitié eu égard au reste de l’Europe ? La politique n’échappe pas