« Malheur à l’Autriche, s’écrie M. Schuselka, s’il arrivait un jour que la Prusse eût à lui garantir son territoire ! Garantie prussienne, invasion prussienne, ce serait tout un. La Russie en 1849 a noblement sauvé l’empire des Habsbourg ; si la Prusse avait à remplir le même office, elle ne montrerait pas la même noblesse. »
Après avoir affirmé que ce projet de garantie réciproque était absolument impossible, le hardi publiciste viennois termine par ces paroles : « On ne pourrait traiter à Berlin qu’une seule question de garantie, non pas question de garantie réciproque, mais question de garantie spéciale adressée à la Prusse. Le gouvernement de la Prusse a été un tel perturbateur et destructeur de l’ordre légitime des états, il a été un tel usurpateur de la propriété d’autrui, que l’Autriche et la Russie auraient bien le droit, qu’elles auraient même à certains égards le devoir d’exiger caution de la Prusse, afin d’être assurées qu’elle n’a pas la volonté de poursuivre sa politique de violence, sa politique de bouleversement et de conquête. Ces garanties devraient concerner d’abord les provinces allemandes de l’empire d’Autriche et les provinces baltiques de l’empire de Russie. » L’éloquente ironie de ce langage prouve que tous les Allemands autrichiens ne se prosternent pas devant le droit de la force. La pensée est fière, et le coup porte haut. Certes on n’a pas traité, on n’a pu songer à traiter une pareille question dans l’entrevue de Berlin ; qui oserait dire pourtant que les paroles du publiciste ne se soient pas présentées plus d’une fois à l’esprit du tsar et de l’empereur d’Autriche ?
Une idée plus singulière encore que celle des garanties réciproques s’est produite dans une partie de la presse allemande. Il y a une école en Allemagne qui est impatiente de compléter les victoires de 1870 par l’abaissement du catholicisme. Cette école ayant décidé que la race latine doit disparaître devant la race germanique a décidé en même temps que l’église catholique doit partout céder la place aux églises protestantes. Au sud de l’Allemagne aussi bien que dans le nord, en Autriche comme en Prusse, le parti qui se dit libéral sacrifie sans hésiter la liberté de conscience afin d’assurer la prépondérance du germanisme. Il applaudit à l’expédition de M. de Bismarck contre les jésuites, il pousse le gouvernement à des mesures de rigueur contre les évêques ultramontains. Naturellement aux yeux de ces ennemis enragés du monde latin, les trois empereurs n’avaient rien de plus pressé à faire que de se liguer pour la destruction du catholicisme. O clairvoyance merveilleuse ! le monde est en proie à d’affreuses maladies morales, l’idée du devoir disparaît, les consciences s’affaissent, l’égoïsme est partout, et trois grands souverains, les yeux ouverts sur cette société défaillante, conspireraient la ruine d’une église à qui ses adversaires même