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deux premières classes ayant donné une base élémentaire très solide, les enfans seront plus aptes à s’élever à la connaissance plus abstraite des langues, et qu’enfin, ayant appris déjà l’allemand ou l’anglais, l’allemand surtout, ils seront préparés à la grande difficulté de la comparaison d’une langue avec une autre. De plus, je suis tellement frappé de la nécessité d’une réduction et simplification dans nos études, que je serais tout prêt (j’y reviendrai tout à l’heure) à proposer la simplification du cours de philosophie, de manière à restituer par semaine un certain nombre d’heures à l’explication de textes et à retrouver à la fin des études une partie du temps qu’on aurait dû sacrifier en commençant. Enfin nous ferons observer que le temps nécessaire à l’étude des langues vivantes sera toujours pris de quelque façon sur le temps des langues anciennes. Si l’on en fait moins dans les classes élémentaires, il en faudra faire plus dans les classes suivantes, et par conséquent réduire dans la même mesure l’enseignement latin. Réciproquement, si vous faites porter tout l’effort des langues vivantes sur les deux premières années, vous regagnerez ce temps dans les années suivantes, et vous le regagnerez au-delà. Ce n’est donc point l’ajournement du latin en sixième qui peut faire difficulté, c’est l’introduction d’une langue de plus ; mais, comme c’est là un fait inévitable, il faut s’y résigner et chercher le meilleur moyen de le rendre profitable. Ce moyen, selon nous, est de graduer l’étude des langues au lieu de les cumuler. De là la réforme que nous avons proposée.

Notre seconde réforme est d’un caractère beaucoup plus grave, car ce n’est plus seulement un changement de distribution, c’est une suppression au moins dans l’ordre des études strictement obligatoires. Cette réforme, déjà méditée par un ministre de l’instruction publique, M. Duruy, c’est le grec facultatif. Ici encore, sans faire valoir aucun système, nous nous plaçons sur le terrain de la stricte nécessité. Il est impossible d’exiger trois langues d’une manière obligatoire ; la conséquence inévitable sera qu’on n’en apprendra plus aucune. Pour maintenir l’étiquette, il n’est pas raisonnable de sacrifier le fond des choses. Encore une fois, l’introduction des langues vivantes est une nécessité absolue : personne, absolument personne n’y peut rien ; ce serait vouloir l’impossible que de continuer à exclure ces langues de notre enseignement, ou du moins de ne leur donner qu’une place dérisoire et inutile, car tout le temps qu’on emploie à ne pas apprendre une chose est perdu pour le reste. Ainsi le sort en est jeté : on apprendra l’anglais et l’allemand, et le sentiment patriotique lui-même y entraînera les jeunes gens ; mais dès lors point d’illusion ! Impossible d’apprendre une langue de plus sans en apprendre une de moins ; je parle pour le plus grand nombre et non pour les plus distingués : pour ceux-ci,