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encydopédistes sont à l’œuvre et où l’Essai sur les mœurs a déjà paru, les demandes de prêt, — qu’elles viennent de la cour ou de la ville, — expriment en général le goût des recherches scientifiques et une ardente curiosité pour tout ce qui se rattache à l’histoire de la philosophie et des philosophes. C’est à qui se munira avec le plus d’empressement de documens propres à élucider les questions techniques ou à consacrer la mémoire des savans, des moralistes, des métaphysiciens de tous les temps. Puis, quand le succès de la Nouvelle Héloïse et les premiers essais de jardins anglais ont popularisé du même coup le culte de la « passion » et celui de la « nature, » l’intérêt se détourne des images austères pour se concentrer sur les œuvres qui retracent les aventures des « amans illustres » ou les scènes de la campagne. Aux portraits d’Archimède et de Galilée, de Socrate et de Leibniz, succèdent les portraits, vrais ou supposés, d’Héloïse et d’Abeilard, de Laure et de Pétrarque ; les recueils de pièces sur l’Art de fondre les statues équestres et sur l’Art de tourner, voire sur le Métier à bas, qu’avait tour à tour consultés Diderot, la Physique sacrée et les Coutumes des nations anciennes, que l’on expédiait naguère à Versailles, demeurent maintenant sur les rayons, d’où l’on retire incessamment, pour la satisfaction des grands seigneurs et des grandes dames, force paysages ou pastorales. Viennent les années voisines de la révolution et les tragédies patriotiques de Marie-Joseph Chénier, ce n’est pas seulement Talma qui, pour les besoins du théâtre, demande au cabinet des estampes le prêt des « figures représentant le roi Charles IX » ou « les habillemens du roi Henry VIII ; » bien d’autres ennemis de la tyrannie veulent avoir sous les yeux les images des oppresseurs du peuple ou celles de ses libérateurs, et des graveurs à court de travaux, des marchands en quête d’une bonne opération commerciale, se disputent, suivant les cas, les modèles dont ils pourront se servir pour raviver, aussi bien que les odieux souvenirs de Sylla et des organisateurs de la Saint-Barthélémy, les souvenirs bienfaisans des Gracques et de Rienzi, de Guillaume Tell surtout, le mieux famé, le plus classique à ce moment des héros de la démocratie. Il va sans dire que, lorsque la terreur règne, les cliens du cabinet des estampes comme les œuvres qu’ils empruntent représentent de moins en moins des idées d’art et d’étude désintéressée. Tout se borne à quelques informations sollicitées ou fournies sur les personnages politiques contemporains, et le « citoyen garde, » qui, bien entendu, n’est plus Joly, n’a encore affaire aux amateurs ou aux curieux que pour leur livrer tantôt les portraits de Marat et de ses pareils, qu’il inscrit sur son registre comme ayant été « tirés du portefeuille des Hommes de la révolution, » tantôt le portrait de d’Espréménil, qu’un classement conforme à la justice de l’époque