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J.-R. THORBECKE

ETUDE HISTORIQUE
SUR LE GOUVERNEMENT PARLEMENTAIRE AUX PAYS-BAS

Le 4 juin dernier, la Néerlande a perdu le plus éminent de ses hommes d’état, celui qui a le plus contribué à l’avénement dans ce pays du régime strictement parlementaire. J.-R. Thorbecke n’était guère connu que de nom à l’étranger. Pour bien des raisons, la Néerlande est trop ignorée au dehors : le royaume est petit, la langue difficile, rarement étudiée, et les Néerlandais ne se donnent pas beaucoup de peine pour attirer l’attention sur eux. Peut-être ont-ils tort, peut-être auront-ils plus tard lieu de regretter l’espèce d’indifférence, mélange de fierté légitime et d’indolence, qu’ils professent pour l’opinion de l’Europe, qu’ils ne secouent du moins qu’au jour où leur intérêt national est directement en jeu. Ce que nous pouvons affirmer, c’est que l’étranger gagnerait souvent à les voir de près. Il y a chez eux une riche mine d’expériences politiques et sociales à utiliser. Ils offrent à l’observateur une population condensée, patriotique, forte par ses mœurs et ses traditions, plus libérale par instinct et sentiment du droit qu’impatiente de mettre ses institutions en harmonie avec ses tendances, et par cela même mieux préparée que toute autre à servir de champ d’épreuve aux innovations dont ailleurs on redoute les conséquences. Il nous a semblé que M. Thorbecke méritait d’être mieux connu que par la vague renommée qui s’attache à son nom comme au chef longtemps reconnu du parti libéral en Hollande, et d’autre part que sa vie offrait un cadre naturel à l’une des histoires parlementaires les moins étudiées et les plus instructives du siècle où nous vivons.