leader des réformistes libéraux en Hollande. Ses jugements de détail sur la révolution sont encore empreints d’une certaine étroitesse, bien pardonnable d’ailleurs au moment où il écrivait ; mais son point de vue général est déjà tout à fait libre. Au nom du grand principe historique dont la vérité profonde lui était apparue dès ses premières recherches, il s’élève contre ceux qui ne veulent voir dans la révolution française qu’une bourrasque dévastatrice, finie, dépassée, désormais sans valeur pour le développement de l’Europe. Non, dit-il, malgré ses erreurs et ses crimes, malgré la contradiction que recèle ce principe révolutionnaire qui veut récolter sans avoir semé et créer de rien des choses nouvelles ; il faut maintenant reconnaître qu’à son tour la révolution est entrée dans la série des faits historiques et qu’elle est soumise aux mêmes lois. En ce sens, elle est devenue elle-même un antécédent pour les âges suivans, et c’est vainement qu’ils tâcheraient de se soustraire à son influence. Parmi les vues originales exposées dans cet écrit, nous signalerons celle-ci : les puissances, en se coalisant contre la France révolutionnaire, ont introduit une innovation radicale dans le système européen. Tandis que jusqu’alors les alliances et les guerres avaient été déterminées uniquement par les intérêts de chaque état, — quand même on mettait parfois la religion en avant, — on vit alors surgir une politique nouvelle qui remplaçait sur son programme le principe de l’intérêt national par celui de l’intérêt général de l’Europe. Ce sont les monarchies menacées qui ont les premières, au nom de l’intérêt conservateur, constitué quelque chose qui ressemble à une fédération européenne, cette grande idée de l’avenir. Le jour viendra où les peuples suivront l’exemple donné par les rois.
C’est vers le même temps que le jeune professeur fixa de plus en plus son attention sur son pays et ses institutions. La Néerlande avait vu ses meilleures forces absorbées pendant près de quinze ans par les embarras croissans de la question Belge. A la fin, l’orage avait éclaté, et malgré les efforts du roi et du peuple, l’issue avait été contraire aux vœux du patriotisme hollandais. Déjà toutefois de bons esprits se demandaient si en réalité la nation néerlandaise n’avait pas plus gagné que perdu à la disjonction de deux peuples qui peuvent entretenir les meilleurs rapports comme voisins, mais qui se nuisent l’un à l’autre quand ils sont soumis au même régime. Désormais débarrassés de tout souci du côté de la Belgique, les Néerlandais ne devaient-ils pas se consacrer entièrement au développement normal, indigène, tout à fait libre, de leur nationalité ? Le patriotisme avait pu conseiller de supporter patiemment les lacunes, les imperfections de la charte qui les régissait, de peur de fournir des armes à ceux qui voulaient le démembrement de la commune pa-