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lui était faite de la souveraineté il répondit par cette déclaration solennelle : « j’accepte ce que la Néerlande me présente ; mais je l’accepte seulement sous la garantie d’une constitution sage, qui préserve sa liberté contre les abus qui pourraient surgir plus tard. »

Un pareil langage, au lendemain de l’autocratie impériale, sonnait délicieusement aux oreilles de la nation ressuscitée. Bientôt le ’prince-souverain’ — c’est le titre qui lui fut d’abord décerné, — devint le roi Guillaume Ier, et les traités de Vienne adjoignirent à son royaume ces anciens Pays-Bas espagnols, puis autrichiens, qui font aujourd’hui la Belgique, et dont on s’imaginait que la fusion avec leurs frères du nord serait facile et prompte. Le retour de l’île d’Elbe, les terreurs qu’inspira la réapparition de l’oppresseur, la bataille de Waterloo, la part fort honorable qu’y prirent le corps d’armée hollandais et surtout le prince d’Orange, fils du roi, ces anxiétés, ces joies, ces fiertés ressenties en commun, scellèrent de nouveau le pacte conclu entre le peuple et la dynastie. La plus importante colonie, Java et Sumatra, avait été rendue par l’Angleterre, qui gardait, il est vrai, le Cap et Ceylan : le commerce, la navigation, renaissaient, tout semblait sourire au nouveau royaume. Les quelques années de paix profonde qui suivirent devraient passer pour fortunées entre toutes dans les annales néerlandaises, s’il était vrai que les peuples sont d’autant plus heureux qu’ils ont moins d’histoire.

Déjà pourtant quelques sons détonnaient dans cette harmonie qu’on eût pu croire parfaite. L’assimilation de la Belgique, par exemple, n’allait pas aussi vite qu’on s’y était attendu. Le clergé catholique en Europe avait généralement applaudi à l’état de choses issu des traités de 1815 ; mais il faut faire une grande exception pour le clergé belge, qui ne fut rien moins qu’édifié de se voir soumis à une dynastie protestante et à une constitution proclamant sans réserve la liberté des cultes. Guillaume Ier releva le gant qu’on lui jetait, et se fit à bon marché une réputation de prince libéral. Lorsqu’on parcourt les journaux de l’époque, on voit à chaque instant le roi des Pays-Bas cité par les organes du libéralisme comme un prince modèle, qui donne asile aux proscrits, qui maintient scrupuleusement la constitution jurée par lui, qui surtout résiste hardiment aux prétentions de la cabale jésuitique. Cette politique augmentait sa popularité dans la vieille Néerlande, en majorité protestante, elle lui valait aussi de chauds partisans dans les grandes villes belges, mais cela n’empêchait pas la masse des paysans et des ouvriers belges, alors bien plus soumise encore qu’aujourd’hui aux influences cléricales, de se croire opprimée, lésée dans ses intérêts les plus chers, et, chose grave, de faire retomber sur la dy-