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Ce système de défense paraît tellement faible qu’il nous est difficile de croire qu’il n’ait point été appuyé sur d’autres argumens. Quoi qu’il en soit, dans sa réponse, Démosthène n’introduit guère que cette discussion nouvelle ; pris au dépourvu par ce moyen produit à la dernière heure, il se borne à montrer qu’Aphobos est loin d’avoir prouvé par des témoignages pertinens le fait, contraire à toutes les vraisemblances, qu’il vient de jeter ainsi à l’improviste dans le débat. Le reste du plaidoyer, qui d’ailleurs est très court, n’est qu’un vif et rapide résumé des raisons invoquées, des chiffres groupés dans le premier discours ; pour mieux faire pénétrer la vérité dans l’esprit de ses auditeurs, Démosthène, après avoir énoncé en quelques mots chacun des articles du compte qu’il présente, fait relire par le greffier les témoignages qui le confirment. Voici la péroraison, dans laquelle l’orateur rassemble toutes ses forces pour frapper un dernier coup, pour remporter cette victoire qui depuis plusieurs années était l’unique souci de ses journées et de ses veilles studieuses, le rêve de ses courts sommeils :


« …….. Qui de vous, Athéniens, ne serait pas justement irrité contre cet homme et pris de pitié pour nous en le voyant ajouter aux biens à lui donnés mes biens personnels valant plus de 10 talens, et en nous voyant, nous, non-seulement privés des biens paternels, mais encore dépouillés par la méchanceté de ces hommes des biens mêmes qu’ils nous ont remis ? Où trouverions-nous des ressources, si vous en décidiez autrement ? Est-ce dans les biens qui servent de gage à nos emprunts ? Mais ils appartiennent aux créanciers hypothécaires. Est-ce dans l’excédant de valeur de ces biens ? Mais cet excédant revient à Aphobos, si nous sommes condamnés à l’épobélie. Gardez-vous bien, juges, de devenir pour nous la cause de si grands malheurs. Ne soyez point indifférens au traitement indigne que nous subissons, ma mère, ma sœur et moi. Tout autre était l’avenir que nous réservait mon père. Ma sœur était donnée pour épouse à Démophon avec une dot de 2 talens, ma mère avec 80 mines à cet homme, le plus méprisable qu’il y ait au monde, et moi je devais prendre sa place pour vous fournir des liturgies. Venez-nous donc en aide, faites cela pour le droit, pour vous-mêmes, comme pour nous et pour mon père mort ! Sauvez-nous, ayez pitié de nous, puisque ces hommes qui sont nos parens ont été impitoyables. C’est en vous qu’est notre refuge. Je vous supplie et je vous conjure, par vos enfans, par vos femmes, par tous les biens que vous possédez (que les dieux vous les conservent !), ne me regardez pas d’un œil indifférent ! Ne permettez pas que ma mère soit privée à jamais même de ce qui lui reste à espérer, et subisse un traitement indigne d’elle. En ce moment, elle se dit que j’ai sûrement fait triompher mon bon droit devant vous, elle s’apprête à me recevoir dans ses bras et à