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décisifs. L’orateur s’arrête sur cette dernière considération. Les allégations de mes adversaires, dit-il, ne sont ni vraies ni vraisemblables, et il faut qu’ils vous croient bien simples pour penser que vous pourrez les admettre.

Nous ne savons ce que fut la réponse d’Onétor ; dans sa réplique, Démosthène insiste surtout sur un argument qu’il avait négligé dans son plaidoyer. Onétor avait d’abord pris inscription sur la maison de ville d’Aphobos pour 20 mines, en même temps que sur le bien de campagne pour 60 ; puis il avait renoncé à la première inscription. Qu’est-ce à dire ? La dot était-elle de 60, était-elle de 80 mines ? Dans le premier cas, pourquoi réclamer plus que son dû ; dans le second, pourquoi en sacrifier une partie ? Dans ces hésitations et ces contradictions, ne sent-on pas les tâtonnemens d’un intrigant qui modifie ses plans suivant les circonstances ? Si Onétor a limité en dernier lieu l’hypothèque à un talent, c’est qu’il avait décidé de se porter caution de cette somme pour Aphobos devant le tribunal ; or, avant de risquer cette offre, il avait tenu à se couvrir du montant de cette somme ; c’était aux dépens de Démosthène, dont ce domaine formait presque la seule garantie, que ce marché avait été conclu. À cette pensée, l’orateur ne se contient plus. « Quand même vous auriez payé la dot que vous n’avez pas payée, s’écrie-t-il en finissant, à qui la faute ? N’est-ce pas à vous, puisque vous l’avez payée avec la garantie de biens qui m’appartenaient ? Aphobos ne s’était-il pas emparé de mes biens, ne possédait-il pas depuis dix ans entiers ces biens qu’il a été condamné à me rendre avant de devenir ton beau-frère ? Il faut que tu ne perdes rien, et celui qui a obtenu un jugement, l’orphelin qui s’est vu indignement traité et dépouillé d’une dot bien réelle, qui par un juste privilège n’aurait pas dû courir même le risque de l’épobélie, tu veux qu’il ait souffert tout cela et qu’il ne puisse rien obtenir, alors qu’il est prêt à faire pour vous-mêmes tout ce qui est convenable, si de votre côté vous consentez à en faire autant ! »

Ici, comme dans les deux discours contre Aphobos, on sent partout l’influence et l’imitation d’Isée. La manière du maître, nous la reconnaissons dans ces véhémentes apostrophes, dans ces questions précipitées qui servent de péroraison à cette réplique, comme nous aurions pu déjà la signaler dans l’entrée en matière du premier plaidoyer contre Onétor. On croirait lire un exorde d’Isée. C’est la même simplicité honnête, le même art de se donner tout d’abord le beau rôle et de prévenir les esprits en sa faveur. Il y a plus ; sans parler d’expressions et de tours que les commentateurs ont signalés comme se rencontrant à la fois dans Isée et dans les œuvres de jeunesse de Démosthène, on trouve dans la dernière page du