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il avait le respect ou l’habitude. Ceci exige quelques explications.

On a vu que le premier fonds de portraits constitué au département des estampes, en dehors des morceaux de ce genre contenus dans l’œuvre de chaque maître, avait été la collection léguée en 1712 par Clément et composée de 18,000 pièces. Depuis lors, grâce aux acquisitions ou aux donations successives, ce fonds s’était accru d’un nombre au moins double de portraits appartenant à tous les temps et à toutes les écoles, en sorte qu’au moment où l’on acquérait la collection Debure, celle que possédait la Bibliothèque comprenait déjà environ 55,000 pièces, — sans parler des portraits insérés ailleurs à titre d’œuvres d’art, ni des recueils formant une série à part, comme les volumes donnés autrefois par Lallemant de Betz. Or la méthode appliquée par Clément au classement de sa collection n’avait pas cessé de faire loi au département des estampes pour tout ce qui était survenu depuis le commencement du XVIIIe siècle, c’est-à-dire que chaque nouveau portrait avait été introduit dans la division spéciale à laquelle semblait le rattacher directement la patrie, le rang, le genre de notoriété individuelle du personnage représenté. Non-seulement tous les portraits d’hommes nés en France composaient une catégorie distincte des séries réservées aux personnages étrangers, mais cette section générale se partageait elle-même en plusieurs divisions correspondant chacune à un ordre de fonctions ou de privilèges, à un des degrés de la hiérarchie sociale. Ainsi, depuis les rois et les princes de sang royal jusqu’aux membres des assemblées judiciaires ou législatives, depuis les maréchaux de France jusqu’aux simples officiers, depuis les prélats jusqu’aux moines, tous ceux qui avaient exercé un ministère ou une profession trouvaient place parmi leurs pairs dans des cadres une fois établis et sous une étiquette commune. En outre, à côté de ces personnages officiels, à côté de ces représentans réguliers pour ainsi dire de notre société politique ou civile, se plaçaient d’autres groupes formés d’hommes qui s’étaient plus ou moins signalés par leurs travaux, par leurs talens, par des témoignages quelconques de force ou d’activité intellectuelle. Des volumes ou des portefeuilles renfermaient, classés suivant l’ordre chronologique, les portraits des savans, des littérateurs, des artistes, que notre pays avait vus naître depuis le XVIe siècle. Enfin d’autres portefeuilles ou d’autres volumes avaient été réservés aux images des hommes dont les noms n’éveillent que des souvenirs de difformité morale ou physique, aux bandits célèbres aussi bien qu’aux nains et aux bouffons de cour, aux visionnaires ou aux imposteurs de toute espèce comme aux. culs-de jatte et aux idiots. Les portraits des