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vrai, le quatrième département de la Bibliothèque nationale ne possède pas seulement des gravures et des lithographies. On pourrait même évaluer à plus de 20,000 les dessins qui ont pris place à côté de ses recueils d’estampes ou qui font corps avec ceux-ci, suivant la nature commune des types ou des sujets représentés. Suit-il de là qu’ils profiteraient mieux à l’étude, s’ils étaient conservés ailleurs ? N’arriverait-on pas au contraire à compromettre le secours qu’ils peuvent lui prêter, si on les isolait des autres moyens d’information, si l’on séparait par exemple les portraits au crayon ou les miniatures indiennes des séries gravées de portraits ou de costumes dont ces pièces servent aujourd’hui à compléter les indications, et dans beaucoup de cas à combler les lacunes ? C’est parce qu’on sentait bien l’utilité de pareils rapprochemens qu’une mesure administrative investissait, il y a quelques années, le département des estampes du droit de s’approprier, outre les gravures dont il ne posséderait pas une épreuve, tous les dessins disséminés dans les diverses bibliothèques de l’état à Paris. Près de 4,000 dessins de toute espèce ainsi recueillis, — les crayons entre autres du XVIe siècle conservés jusqu’alors à la bibliothèque de Sainte-Geneviève et un portefeuille de la collection de Gaignières qui se trouvait à la bibliothèque Mazarine, — passèrent à cette époque dans les collections de la Bibliothèque nationale, où ils sont devenus l’objet d’études d’autant plus fructueuses qu’ils forment avec ce qui les environne un ensemble de documens plus variés. Serait-on bien inspiré en s’appliquant à rompre cet ensemble si instructif, et, sous prétexte de rétablir ailleurs l’unité matérielle, à restreindre ici le champ des enseignemens et des travaux ?

Sans doute, dans la pensée de ceux qui réclament ou qui sont tentés de réclamer cet appauvrissement du département des estampes, il ne s’agit pas de le dépouiller de tous les dessins qu’il possède, il s’agit seulement de lui enlever ceux qui par les mérites mêmes de l’exécution appartiennent à la classe des œuvres d’art proprement dites, de ces œuvres dont le musée des dessins au Louvre semble l’asile indiqué. Soit, à la condition qu’on nous démontre où commence l’art, où finit le métier. Quelles limites pourtant assigner à l’un et à l’autre ? Quel genre d’intérêt prédominant attribuer à tel dessin qui est à la fois le portrait d’un personnage historique et un spécimen de l’habileté particulière de l’artiste qui l’a exécuté, à tel autre offrant le double caractère d’un paysage et d’une pièce topographique, à tel autre enfin qui nous renseigne sur les proportions d’un monument d’architecture en même temps que sur le goût du dessinateur ? Les plans ou les projets de Ducerceau qui accompagnent les planches gravées par lui, et qui complètent aussi bien