compatriotes. La discussion dure depuis des années ; en Grèce, la cause la plus douteuse peut être défendue, les ressources de subtilités sont infinies ; ce peuple n’a même aucun tribunal qui soit sûr de garder toute sa raison dans une affaire, si simple qu’elle soit. La France et l’Italie font la proposition la plus naturelle ; elles demandent que le débat soit remis à une cour arbitrale. La Grèce répond non, et le prend de très haut parce que, dit-elle, on soupçonne sa bonne foi. Telle est cette déplorable aventure. Il n’est pas une heureuse entreprise faite en Grèce par d’imprudens étrangers qui ne puisse avoir les destinées de l’affaire du Laurium. Le pays ne se doute pas que par cette légèreté de conduite il se fait plus de tort à lui-même qu’à toutes les compagnies européennes qu’il pourrait expulser.
Ce qui nuit le plus à la race grecque en Europe, et par suite à l’hellénisme, c’est la difficulté qu’ont les étrangers à bien comprendre le caractère de ce peuple, l’importance trop grande qu’ils attachent à des défauts qui sont compensés par de rares qualités. On parle beaucoup de la difficulté des relations d’affaires en Grèce, de l’incertitude de la justice, de ses lenteurs ; on prononce même le mot de mauvaise foi, on ajoute que la vanité de cette race est insupportable, qu’il est impossible de rester avec elle en bonnes relations. Les défauts dont se plaint l’étranger, les Grecs les ont dans leurs rapports avec leurs compatriotes ; il faut s’habituer à leur caractère sans espérer qu’il se modifie jamais beaucoup, sans croire qu’il soit difficile pour l’Européen de l’accepter tel qu’il est, et dès lors de vivre en Grèce aussi commodément qu’en tout autre pays du monde.
Le peuple grec diffère beaucoup des Occidentaux ; les fortes émotions lui sont inconnues, rien ne le pénètre. Il prend le malheur avec une indifférence qui nous étonne ; d’horribles catastrophes semblent devoir l’accabler, il les ressent à peine ; ému un instant, il reprend aussitôt ses habitudes de tous les jours. Les races qui ont une vie intérieure profonde n’admettent pas les consolations faciles ; elles se raidissent, elles se révoltent, elles protestent au nom de la personnalité frappée. Dans ce pays, l’âme est trop heureuse pour connaître ces afflictions. L’antiquité avait créé le destin, les Orientaux se soumettent à la fatalité. Le Grec ruiné prend son parti le jour même et recommence sa fortune sur de nouveaux frais. S’il est atteint dans ses affections, dl dit que telle est la loi de la nature. Rien n’est plus contraire à cette forme d’esprit que la longue réflexion sur le malheur. On se trompe bien d’ordinaire quand on suppose l’Hellène agité par des passions violentes. Tous les voyageurs savent combien une fête est tranquille en ce pays. Les jeunes