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choses de l’esprit et du progrès, quelles que soient leurs fautes, ils auront toujours des défenseurs passionnés parmi nous, qu’à l’heure même où nous nous montrons les plus sévères pour eux, nous sommes prêts encore à répondre à leurs vœux les plus ardens, à les réaliser au moins en partie. Comme la disparition des Grecs ne saurait être une hypothèse admissible, que le progrès est en Orient comme partout une nécessité, notre affection ne nous trompe pas.

L’hellénisme est compromis au nord par le réveil des Slaves, par les défauts de l’église orthodoxe, il a cependant fait depuis cinquante ans de grands progrès ; il a été reconnu par l’Europe, qui l’a reçu dans ses conseils en lui donnant un représentant légal, le royaume de Grèce. Il a transporté chez lui l’éducation et les méthodes de l’Occident avec plus d’enthousiasme, il est vrai, que de succès, mais non sans une vue nette que là était pour lui un principe de salut. Il abusé de l’activité politique, mais il s’est donné une des constitutions les plus libérales qui soient en Europe. Il n’est ni à croire ni à souhaiter qu’il prenne jamais tout à fait l’esprit de l’Occident, La force de gouverner de nombreuses nations d’autre race, pour le bien de ces nations mêmes, lui manquera peut-être toujours ; en poursuivant la grande idée, il atteindra des résultats plus modestes et encore heureux. Il a dû beaucoup, lors de la guerre de l’indépendance, à un peuple qui lui est à tous égards inférieur, à ces Albanais qui ont fourni de si braves soldats à la révolution ; les Épirotes, mélange de Grecs et d’Albanais, ont un esprit moins prompt que les Hellènes purs, leurs défauts mêmes seraient utiles à la Grèce. Les Hellènes des riches colonies, s’ils prenaient part au gouvernement du royaume, lui prêteraient le secours de leur expérience, de leur talent, de leur esprit de suite, de leur connaissance pratique des affaires ; ce sont là les souhaits les plus ardens que doive former l’hellénisme. Des mille moyens que les politiques d’Athènes imaginent pour les réaliser, le plus simple, celui qui ne demande l’aide de personne, serait de donner enfin à la monarchie une administration sérieuse, de développer la richesse publique, d’assurer ainsi aux Grecs un principe d’influence qui leur a toujours manqué, de créer en même temps dans ce pays un parti qui s’opposât de toutes ses forces à ces changemens perpétuels où ce peuple s’épuise, où l’esprit de la nation compromet ses plus sérieuses qualités.


ALBERT DUMONT.