Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/792

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bourbaki était allé tenter la fortune des armes devant Belfort, il avait échoué. Qu’avait-t-on fait pour le protéger, pour arrêter au passage les secours allemands qui pouvaient être envoyés dans l’est ? Garibaldi était arrivé le 7 janvier à Dijon, avec son armée, qu’on avait un peu augmentée, et qui s’élevait à près de 25,000 hommes. Là il était rejoint par une force de 15,000 à 18,000 mobilisés, sous les ordres du général Pélissier. C’étaient quelque 40,000 hommes, avec lesquels on pouvait tout au moins observer, battre le pays, faire en quelque sorte la police de ces régions montagneuses de la Côte-d’Or que tout ennemi venant de l’ouest devait nécessairement traverser. Je ne sais quelle opinion se faisait Garibaldi ou quelle idée on lui donnait du rôle qu’il avait à jouer dans des circonstances si critiques et si décisives ; mais ce qui se passait devant lui pendant quelques jours, entre Dijon et Langres, le voici.

L’état-major de Versailles, prompt à s’apercevoir de ce qui se préparait dans l’est, s’était hâté, dès les premiers jours de janvier, de réunir les élémens d’une armée nouvelle d’opérations destinée à secourir Werder. Cette armée, elle se composait de forces un peu disséminées jusque-là, du iie corps de Fransecki, qu’on avait envoyé de Paris à Montargis, où il n’avait maintenant plus rien à faire, — du viie corps de Zastrow, qu’on remettait au complet en lui rendant une division employée sur la Meuse, — de la brigade d’infanterie Dannenberg, occupée à batailler du côté de Montbard contre les garibaldiens. L’armée nouvelle, qui, dans la pensée de l’état-major prussien, devait comprendre les forces qu’on mettait en mouvement et le xive corps de Werder, allait être placée sous le commandement supérieur du général de Manteuffel et prendre le nom d’armée du sud. Le point de concentration était Châtillon-sur-Seine, dont M. de Molke connaissait bien l’importance stratégique, surtout depuis la « catastrophe » infligée au mois de novembre à un poste prussien par Ricciotti Garibaldi. Châtillon avait en effet le double avantage de se relier par des voies ferrées à Chaumont, à Troyes, à Nuits-sous-Ravières, sur la ligne de Paris à Lyon, et d’être comme une position centrale en avant des défilés de la Côte-d’Or. C’est là que les forces de l’armée du sud se réunissaient, à l’entrée des vallées profondes de l’Aujon, de l’Aube, de l’Ource et de la Seine, dans les sinuosités desquelles s’enfoncent, à des intervalles de 10 à 15 kilomètres, quatre routes montueuses qui par des rampes escarpées conduisent aux hauts plateaux entre Langres et Dijon. Manteuffel arrivait à Châtillon le 12. On hésitait encore, à ce qu’il paraît, entre une marche sur Dijon, où l’on trouverait des chemins assez faciles, et la marche plus hardie, plus décisive, mais aussi plus périlleuse, par les montagnes. Ce fut, assure-t-on, le général de Zastrow qui fit adopter le plan le plus audacieux en disant que « rien n’était à