ment imprégnées d’huile, un corps vigoureux, un caractère docile et insouciant, beaucoup de rapacité. Les paquets qu’il fallait emporter étant réunis, la masse paraissait effrayante ; il y avait les instrumens indispensables pour les travaux scientifiques : théodolite, boussoles, lunette astronomique, thermomètres, baromètres, appareil propre à mesurer les têtes des Malgaches, appareil de photographie, boîtes, tubes et papiers pour la récolte ou la préparation des plantes et des animaux ; il y avait les provisions de bouche : du riz, des haricots et les ustensiles de cuisine ; il y avait enfin la monnaie nécessaire pour acheter des vivres et l’amitié des chefs de chaque district, — quelle monnaie ! — la seule qui ait cours dans les régions du sud et de l’ouest de Madagascar : des fusils, des barils de poudre, des balles et des pierres à feu, des pièces de toile bleue, des verroteries, des patères, des dés, des clous. Cet énorme bagage, fléau de tout voyageur qui parcourt des pays barbares, devait être porté par douze hommes ; il avait été impossible d’en engager un plus grand nombre. — À l’heure du départ, un peu de confusion était inévitable, chacun se précipitait sur les fardeaux les moins lourds ; le maître dut intervenir pour faire une répartition convenable. Ayant pris du courage avec quelques bonnes rasades de rhum, les Antanosses partirent en suivant le rivage pour gagner les bords de l’Anoulahine. L’explorateur va faire le trajet par mer dans une pirogue ; les Sakalaves de la côte sud-ouest manœuvrent avec une merveilleuse dextérité de fines, légères, élégantes pirogues à balancier. Creusées dans un bois tendre, ces embarcations sont si étroites et si longues qu’elles ne tiennent en équilibre que par le contre-poids d’un tronc d’arbre fixé au moyen de deux perches ; une voile immense tendue à l’avant de l’esquif prend si bien le vent que la marche est d’une effrayante rapidité. Les pirogues chavirent assez fréquemment, et parfois les Européens acceptent avec peine ce mode de navigation ; on s’y habitue néanmoins, et M. Grandidier, qui s’y était accoutumé, arriva très promptement sur la petite presqu’île de Tsaroundrane.
Cette presqu’île d’un mille carré de superficie, toute de sable, s’avance au nord de l’embouchure de l’Anoulahine. Un jour, assure-t-on, cette parcelle de terrain a été cédée à la France par le roi Lahimerisa, et le commandant d’un navire en a pris possession au nom de l’empereur Napoléon III. Si l’événement s’est accompli, il n’a causé aucune émotion en Europe. À la pointe de cette langue de sable, on voit un village, groupe irrégulier de trente ou quarante huttes, petites et misérables, faites de roseaux. Au moment où l’étranger vient de mettre pied à terre, on célèbre une fête ; les femmes accroupies chantent et battent des mains, les hommes,